Le Temps epaper

Les mille vies de Napoléon

STÉPHANE GOBBO @StephGobbo

D’une île à l’autre, un destin d’insulaire. Né en Corse, Napoléon est mort à SainteHélène le 5 mai 1821. Au cours de sa vie, il aura également passé par l’île d’Aix, la Sardaigne, Malte, l’île d’Elbe et bien sûr l’île de la Cité, où il s’est autoproclamé empereur. Mercredi dernier, jour du bicentenaire de sa disparition, un collègue, me demandant si j’avais déjà un sujet pour cette chronique, s’étonnait du peu de films, en comparaison avec d’autres personnages historiques, mettant en scène Napoléon, tandis que des dizaines de milliers de livres lui ont été consacrés. Il m’a quand même parlé du chef-d’oeuvre réalisé par Abel Gance dans les années 1920 et du projet inabouti de Stanley Kubrick. Il se souvenait aussi d’un téléfilm avec Christian Clavier.

N’en déplaise à un autre collègue qui n’en peut plus des articles publiés tous azimuts depuis une semaine sur Bonaparte et des commémorations officielles, impossible de ne pas rappeler ici qu’il a bel et bien traversé toute l’histoire du cinéma, depuis sa première apparition en 1897, au lendemain de l’invention du cinématographe, dans deux petites bandes Lumière: Signature du Traité de Campo-Formio et Entrevue de Napoléon et du pape. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Napoléon sans jamais oser le demander se trouve dans une encyclopédie d’une érudition folle conçue par Hervé Dumont et coéditée en 2015 par Ides & Calendes et la Cinémathèque suisse. Elle s’intitule Napoléon – L’Epopée en 1000 films, et l’ancien directeur de l’institution basée à Lausanne y postule que l’originalité de la production cinématographique consacrée à l’empereur tient au fait qu’elle propose une lecture biaisée de l’Histoire, la plupart des titres défendant une vision «teintée de légende, de parti pris ou d’idées reçues». Il explique notamment que si l’on «reconnaît aujourd’hui que la majorité des guerres dites «napoléoniennes» furent des guerres défensives», le 7e art a fait du Corse un super-conquérant, un fou de guerre qu’il n’était pas vraiment, ou du moins pas totalement.

Mille films. Dans sa préface à la somme de Dumont, l’historien Jean Tulard s’en étonne. Même Jésus de Nazareth ne peut rivaliser avec Napoléon, qui a intéressé les cinéastes du monde entier, apparaissant aussi bien chez Sacha Guitry et Jean-Marie Poiré que chez John Ford et Woody Allen. Et ce n’est pas fini: Zack Snyder et Ridley Scott préparent de nouveaux biopics, le premier expliquant même vouloir revisiter le mythe napoléonien à l’aune du Scarface de Brian De Palma… Un film de gangsters, donc. Je crains bien que la rigueur historique soit de nouveau toute relative.

Week-end

fr-ch

2021-05-08T07:00:00.0000000Z

2021-05-08T07:00:00.0000000Z

https://letemps.pressreader.com/article/281857236410207

Le Temps SA