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Que sont devenus les anciens responsables de Credit Suisse?

GOUVERNANCE De Brady Dougan à Urs Rohner, en passant par Antonio Horta-Osorio et Tidjane Thiam, la plupart des directeurs et présidents passés de la banque ont retrouvé d’autres activités

MATHILDE FARINE, ZURICH t @mathildefarine

Que sont-ils devenus? Les responsables ayant joué des rôles majeurs pour Credit Suisse ces quinze dernières années ans ont pour la plupart retrouvé d’autres activités. Même si, au vu de leur rémunération, ce n’était pas forcément nécessaire. Tour d’horizon des principaux protagonistes.

Brady Dougan, directeur général de 2007 à 2015

Nommé en 2007, Brady Dougan brûle la politesse à Urs Rohner, responsable juridique de la banque qui ira finalement au conseil d’administration. L’Américain, alors âgé de 48 ans, est un spécialiste de la banque d’affaires. Au sortir de la crise financière de 2008-2009, il peut se targuer, contrairement à de nombreux concurrents, d’avoir survécu à la tempête sans aide publique. Alors qu’UBS est sauvée par la Confédération et la Banque nationale suisse, Credit Suisse a pu compter sur un apport financier provenant du MoyenOrient. La suite s’avère plus compliquée: moins en difficulté, la banque ne se réforme pas. Elle garde une banque d’affaires importante, chère à Brady Dougan qui en provient, contrairement à UBS qui l’a restructurée drastiquement. C’est lui encore qui acceptera l’amende de 2,4 milliards imposée par ses compatriotes dans l’affaire de l’évasion fiscale et témoignera devant le Congrès, accusant des employés «voyous». Brady Dougan a encaissé au total plus de 150 millions de francs, dont un bonus exceptionnel de près de 70 millions en 2009. Remplacé en 2015 par Tidjane Thiam, il a cofondé deux ans plus tard une banque d’investissement numérique, Exos, grâce à des fonds du Moyen-Orient.

Urs Rohner, président de 2011 à 2021

S’il faut résumer Urs Rohner en une phrase, ce sera celle, prononcée au micro de SRF, en 2014, alors que la banque accepte de payer 2,4 milliards d’amendes aux EtatsUnis pour solder le différend fiscal: «Je suis blanc comme neige», affirme l’avocat zurichois, qui préside le conseil d’administration depuis 2011. Auparavant vice-président, adoubé par Walter Kielholz, personnalité influente, pour le remplacer à son départ, il restera l’une des personnes les plus critiquées dans la débâcle de Credit Suisse. Alors que les scandales se multiplient, les pertes s’accumulent, il semble peu concerné, mais n’envisage de quitter la banque que lorsque son mandat ne peut plus être prolongé en 2021. A son départ, il s’excuse pour les difficultés rencontrées par la banque mais ne renonce pas à sa rémunération, qui atteint plus de 40 millions de francs au total. Depuis son départ, il a cofondé une société de conseil dans la cybersécurité, Vega Cyber Associates avec deux anciens du MI6, le service de renseignements extérieurs du Royaume-Uni. Il fait aussi partie du conseil d’administration du groupe pharmaceutique britannique GlaxoSmithKline.

Tidjane Thiam, directeur général de 2015 à 2020

Nommé en 2015, le Franco-Ivoirien amène un vent d’optimisme dans une banque qui semble déjà en déliquescence. Les tentatives de restructuration de l’ancien patron de l’assureur britannique Prudential ne vont pas assez loin, malgré des coupes majeures dans l’emploi et des levées de fonds. La banque d’investissement reste un poids majeur dans le groupe. Charismatique, mais critiqué dans sa gestion, Tidjane Thiam est contraint de démissionner en 2020 suite au scandale d’espionnage d’anciens employés. Son règne est aussi marqué par une rivalité croissante avec son responsable de la gestion de fortune, prometteur et ambitieux, qui rejoindra UBS en 2019, Iqbal Khan. Tidjane Thiam a reçu environ 10 millions par an, puis un parachute au moment de son départ. Depuis, il dirige une société d’investissement, Freedom Acquisition Corp. Il est aussi membre du Comité international olympique (CIO) depuis 2019. Depuis 2020, il fait aussi partie du conseil d’administration du groupe de luxe français Kering.

Antonio Horta-Osorio, président en 2021

Provenant de Lloyds, où il a été crédité du redressement spectaculaire de la banque britannique sauvée lors de la crise de 2008 par le gouvernement, Antonio Horta-Osorio arrive en 2021, un peu comme Tidjane Thiam, porteur de beaucoup d’espoirs. Il procède à une revue complète des activités de la banque, empiétant en partie sur les plates-bandes de son directeur général, Thomas Gottstein. La tension monte mais les deux hommes présentent un nouveau plan qui ne convainc pas vraiment. Surtout, fin 2021, il courbe à deux reprises des quarantaines liées aux mesures covid en Grande-Bretagne. Alors qu’il prône la probité depuis des mois, cet écart ne lui est pas pardonné. Il doit quitter ses fonctions début 2022 après moins d’un an. On ne sait pas quelle est l’activité actuelle du banquier de 59 ans.

Severin Schwan, vice-président de 2017 à 2022

Il entre au conseil d’administration en 2014, puis devient vice-président en 2017, tisse des liens forts entre la banque et la pharma. Car Severin Schwan est aussi directeur général de Roche, fonction qu’il vient de quitter pour prendre la présidence. Sa probité n’est jamais mise en doute, mais sa double casquette est critiquée. Surtout, vu les turbulences à Credit Suisse, si personne ne met en doute sa bonne volonté, sa capacité à mener ses mandats de front est, elle, plus sujette à caution. Il finit par quitter le conseil d’administration de Credit Suisse en 2022, pour se concentrer sur ses activités pharmaceutiques. Il a été élu la semaine dernière à la présidence de Roche, après avoir passé la main à la direction générale à Thomas Schinecker.

Thomas Gottstein, directeur général de 2020 à 2022

Responsable de l’entité suisse de Credit Suisse, il est précipité à la tête de la banque en février 2020 alors que Tidjane Thiam est poussé à la démission. Son mandat sera de courte durée puisque deux ans et demi plus tard, il est remplacé par Ulrich Körner. Il sera aussi bousculé par l’arrivée du Portugais Antonio Horta-Osorio à la présidence qui se charge de toute la revue stratégique. En public, Thomas Gottstein prône une meilleure gestion des risques, mais on dit qu’en privé, il n’est pas si convaincu du problème de culture de la banque. Ancien d’UBS, également banquier d’investissement, le Suisse de 59 ans n’a pas d’autres occupations pour le moment.

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2023-03-22T07:00:00.0000000Z

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