L’amour des lois, la liberté, la paix…

Mardi matin, c’était jour d’assermentation des autorités vaudoises. Dès 9 heures, la vieille ville de Lausanne bruissait de gens d’armes en uniforme d’apparat, de chevaux piaffants et de drapeaux claquant dans la bise matinale. De beaux Messieurs et de belles Dames, élégamment vêtus, se pressaient sur les pavés de la Cité et il faut reconnaître que la capitale avait sorti ce jour-là le gratin de ses officiels. La cérémonie se déroulait à la cathédrale, qui se prête évidemment bien à ce genre de festivités. Pourtant, de nombreux sièges avaient dû y être ajoutés pour la circonstance tant on en avait supprimé récemment, au grand dam des choeurs et orchestres vaudois dont le public se voit rétréci d’autant, et les recettes avec! Pour raisons de sécurité incendie paraît-il, ce qui sous-entend que les 1000 personnalités réunies pour cette assermentation pouvaient donc brûler en toute quiétude…

A 10 heures, ce fut l’entrée du nouveau Conseil d’Etat et des 150 élus du Grand Conseil pour la prestation de serment. A noter qu’elle se fit en deux temps: d’abord la lecture du texte de l’engagement traditionnel suivie de l’appel nominal d’une partie des députés, puis sa version laïque et l’appel nominal des autres. De même pour les membres de l’exécutif. Cette procédure bizarre donnait la fâcheuse impression d’une dichotomie plutôt que d’une symbiose de ces deux Conseils voués à travailler ensemble. Ne serait-il pas plus pertinent de lire préalablement les deux textes avant que les uns se prononcent en disant «Je le jure» et les autres «Je le promets», comme à Berne par exemple?

Les interventions musicales (excellentes) et oratoires (parfaites) s’articulaient autour du thème de la liberté, emblème du drapeau vert et blanc. Il fut un temps où la liberté consistait essentiellement à ne pas avoir de chaînes aux pieds. Elle a évolué ensuite avec des exigences essentielles comme se nourrir de son travail, disposer d’un toit, se déplacer sans entraves, penser selon sa guise et pouvoir l’exprimer. Aujourd’hui, on y a ajouté de multiples droits, et du coup le mot Liberté se conjugue au pluriel, ce qui en affadit considérablement le sens et la portée. De même, la Loi ce n’est pas les lois. L’une est immanente et sacrée (le sacré, c’est ce qui ne peut être touché sans être souillé), les autres sont profanes en cela qu’elles s’inscrivent dans le temporel et s’adaptent aux évolutions de la société. Elles ne doivent pas pour autant être pléthoriques tant il est vrai, et cela peut sembler paradoxal, que l’excès de lois nuit à la Liberté.

Jeunes députés intronisés ce mardi à qui cette chronique est dédiée, vous qui aurez la lourde responsabilité de légiférer, ne vous sentez pas grandis par le nombre de vos productions et montrez-vous plutôt parcimonieux! Et, bien que le monde se globalise, n’oubliez jamais la patrie, deuxième invocation du drapeau vaudois, car la liberté s’incarne dans des racines, une terre, une origine, une culture, une éducation, une famille. La Patrie, étymologiquement, c’est l’héritage des pères!

Pour rester sur le sacré, notons que, pour clore la cérémonie, le devoir de prononcer la Prière dédiée aux nouvelles autorités avait été dévolu au rabbin de la communauté israélite de Lausanne. Déjà, en lisant le programme imprimé, ce choix semblait un peu surréaliste, ce qui se confirma dans les faits. En effet, après la lecture en hébreu d’un verset de la Torah, la prière proprement dite fut également psalmodiée dans cette langue. L’assemblée fut sans doute interloquée, mais c’était beau et fort. Là où nos prélats chrétiens ont l’habitude d’escamoter le divin en tortillant des mots abscons pour ne froisser personne, le rabbin, lui, était droit dans ses bottes et il a parlé de Dieu dans la langue d’Abraham. Bravo!

Enfin, ce fut l’hymne vaudois entonné par une assemblée qui, pour une fois, en connaissait les paroles, puis les salves d’honneur, les félicitations et les verres de chasselas doré… En septembre, on passera aux choses sérieuses! ■