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«Les Portugais pensent toujours à un retour au pays»

SYLVIA REVELLO @sylviarevello DÉPUTÉE PS AU GRAND CONSEIL GENEVOIS

La communauté lusitanienne, majoritaire à Genève, est aussi celle qui vote le moins, selon une récente étude de l'Université de Genève. Tentatives d'explication avec la députée socialiste Helena de Freitas, elle-même d'origine portugaise

Parmi les étrangers possédant le droit de vote au niveau communal à Genève, les Portugais sont ceux qui l'exercent le moins. A peine 13% lors des dernières élections municipales de mars 2020, alors que le taux de participation suisse s'élevait à 40% et celui des étrangers en général à 23%. Malgré les efforts du canton, les chiffres n'ont pas évolué ces dix dernières années. Comment expliquer ces résultats, fruits d'une étude réalisée par l'Université de Genève pour le compte du Bureau de l'intégration des étrangers (BIE)? Elle-même née au Portugal, la députée socialiste Helena de Freitas, arrivée à Genève en 1984 et naturalisée à ses 18 ans, livre son analyse.

Majoritaire dans le canton, la communauté portugaise est aussi celle qui vote

A son arrivée en Suisse, la première génération d’immigrés portugais n’avait aucune référence en matière de droits civiques

le moins. Cela vous étonne? Non. Le principe «J'y vis, j'y vote» est peu ancré chez les immigrés portugais qui, même s'ils sont bien intégrés, ont souvent tendance à rester entre eux. Le fait qu'ils soient nombreux peut aussi avoir un effet pervers: il n'y a pas de nécessité de s'ouvrir aux autres. Chez les personnes âgées, l'objectif du retour reste très présent. Il y a cette idée qu'on s'établit en Suisse pour un court laps de temps, qui parfois s'éternise. De manière générale, les Portugais se naturalisent peu. Venus à Genève pour travailler, mes parents y sont finalement restés 30 ans et ne sont devenus Suisses que sur le tard, essentiellement pour pouvoir nous rendre visite librement. Ils vivent aujourd'hui au Portugal.

Nombre de Portugais sont arrivés dans les années 1970-1980 à Genève en provenance d'un pays en dictature, cela joue-t-il un rôle? Certainement. A son arrivée en Suisse, la première génération d'immigrés portugais n'a aucune référence en matière de droits civiques. Le milieu social est aussi déterminant.

Si la première vague est essentiellement composée d'une élite qui fuit la dictature de Salazar, en vigueur jusqu'en 1974, les suivantes sont le fait d'ouvriers ou d'agriculteurs. Le manque de formation ou encore la barrière de la langue peuvent ainsi représenter un frein au vote. Si on ne comprend pas comment fonctionne le système politique suisse, on ne s'y intéresse pas.

Qu'est-ce qui distingue la communauté portugaise des autres? C'est une communauté discrète et réservée qui fait rarement parler d'elle. On dit souvent que les Portugais sont des bosseurs qui se font tout petits. Ils ne veulent pas déranger et sont déjà contents avec ce qu'ils ont. Cela explique peutêtre qu'ils soient peu enclins à exercer des droits qu'ils n'ont pas réclamés. Comment mobiliser cet électorat? Pour que voter devienne un réflexe, il faut miser sur la formation. Aujourd'hui, il y a un véritable manque au niveau des cours d'éducation civique à l'école. Comme dans la population suisse, les jeunes Portugais votent moins que les plus âgés. C'est là que se situe la marge de progression. D'importants efforts ont été réalisés en 2015 avec la campagne «J'ai 8 ans de résidence, je vote dans ma commune» et cela a permis d'augmenter légèrement la participation. Il faut poursuivre dans ce sens.

En 2020, j'ai participé à un loto de la citoyenneté organisé par une association portugaise en collaboration avec le BIE. Avant d'aller réceptionner son cadeau, chaque gagnant devait répondre à une question sur la politique suisse. Les partis ont aussi leur rôle à jouer pour intégrer davantage de membres sans passeport suisse dans leurs sections communales. Enfin, on pourrait aussi envisager un travail collaboratif avec le consulat. ■

Suisse

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2021-05-08T07:00:00.0000000Z

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