Le Temps epaper

Deux danseuses sortent des cadres en beauté

Avec «Correspondance», la chorégraphe Caroline de Cornière et sa complice Maud Leibundgut ont marqué le festival Out of the Box, au Théâtre du Galpon à Genève

ALEXANDRE DEMIDOFF @alexandredmdff Biennale Out of the Box, Genève, jusqu’au 11 juin.

La nuit remue. C’était dimanche encore, au Théâtre du Galpon à Genève. Et un public ému assistait à une naissance, celle dessinée et dansée par la chorégraphe genevoise Caroline de Cornière et sa complice au corps endolori, Maud Leibundgut – psychologue dans la vie.

Sur un podium circulaire – 1m50 de diamètre à vue de nez – deux êtres détricotent la camisole de force de leur solitude. Ils émergent d’une conque, aspirés vers l’océan d’une liberté sans précédent, celle que promettent les irisations caverneuses du compositeur Fernando de Miguel. A l’affiche de la biennale Out of the Box, qui se poursuit jusqu’au 11 juin, ce spectacle ne s’oublie pas.

Captif d’une métamorphose

Pourquoi Correspondance suscite-t-il cette adhésion douce? Tout dans cette pièce favorise une communion élémentaire entre le public et les interprètes. Autour de vous, quand vous arrivez dans la salle, une roche noire, la paroi tourmentée d’une caverne – un décor éloquent et beau de la scénographe Sandrine Pelletier, construit par Jean-Luc Grandin. On forme un cercle au coeur d’une cavité préhistorique et utérine à la fois. Devant vous, deux créatures s’aimantent sur leur promontoire, tandis que se mêle aux percussions entêtées des abysses le souffle d’un accordéon.

La réussite de Caroline de Cornière, c’est d’abord cette nasse qu’elle crée et qui enveloppe tous les protagonistes de la pièce, public et danseuses. Vous voilà captifs d’une métamorphose. Sur leur îlot, rien ne distingue Maud Leibundgut et Caroline de Cornière. Toutes deux sont emmaillotées dans une tunique qui entrave le haut du corps. Un bras se dégage pourtant chez l’une, puis chez l’autre, en miroir. Ils s’élèvent, comme pour une prière ou un appel. Dans une lueur de presbytère, un visage se dessine. C’est celui d’une moniale qui n’aurait pas d’âge, si ce n’est celui de son espérance.

Correspondance est une histoire d’attention – à l’autre dans sa fragilité – et d’attraction. Deux âmes séparées s’accordent. Maud Leibundgut – interprète dans la compagnie Dansehabile – et Caroline de Cornière se sont rencontrées il y a trois ans. Elles ont échangé sur la vie, le handicap, le vieillissement, la beauté d’un geste. Une correspondance est née ainsi, puis un spectacle qui pourrait prendre le large encore – un directeur de festival à Hongkong s’est dit intéressé.

Voyez les deux femmes à présent, on dirait deux oiseaux pris dans la glu. Elles s’inclinent, andante, comme pour rentrer dans un nid originel. Plus tard, elles s’uniront, mêlant leurs histoires et leurs souffles dans le clair-obscur d’une sororité. Battra alors un tambour dans la nuit. Le chant d’ombre d’une délivrance.

Culture

fr-ch

2023-06-06T07:00:00.0000000Z

2023-06-06T07:00:00.0000000Z

https://letemps.pressreader.com/article/281844353027382

Le Temps SA