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La confiance retrouvée de Sebastianna Scilipoti

Après des mois de doutes et de remise en question, la Genevoise remporte un tournoi ITF dans une forêt de Serbie. Son premier titre de l’année et peut-être le déclic qu’elle attendait

L. F.

«J’ai bien joué, en confiance, sur mon petit nuage toute la semaine.» Au téléphone, la voix de Sebastianna Scilipoti est enjouée, radieuse. La Genevoise a remporté dimanche le tournoi de Kursumlijska Banja, une épreuve de la catégorie ITF 15. Elle y a mis la manière, gagnant ses cinq tours en deux sets, ne perdant que quatre jeux en moyenne par match. Mais où se trouve Kursumlijska Banja?

«En Serbie, à quatre heures de bus de Belgrade, répond Sebastianna Scilipoti. Il y a un Spa Resort, quatre maisons et la forêt tout autour. Pour se concentrer sur le tennis, c’est l’idéal!» Wikipédia nous apprend que l’endroit, réputé pour les cures thermales, ne compte qu’une centaine d’habitants. Hors saison, le resort organise des tournois de tennis pour remplir ses chambres. La Genevoise a remporté le second, après avoir perdu au

«En un mois et demi, j’ai réglé presque un an de problèmes!» SEBASTIANNA SCILIPOTI

deuxième tour lors du premier. Entre les deux, quelque chose s’est passé.

Sebastianna, nous l’avions connue lors de Wimbledon 2021, celui du covid, des allées vides, de la distanciation obligatoire et des numéros de téléphone griffonnés sur un petit bout de papier laissé sur la chaise pour se rappeler plus tard.

Nous avions ensuite revu la Verniolane à l’US Open de la même année où, pour son dernier tournoi juniors, elle s’était hissée en demi-finale. Sebastianna, nous l’avions recroisée le 28 mars dernier à Genève, quelques heures avant de prendre un vol pour Barcelone où elle s’entraîne, trois jours avant son 20e anniversaire. Avec quarante autres sportifs genevois, elle figurait parmi la sélection 2023 de Team Genève, le programme cantonal de soutien aux athlètes d’élite.

Une transition compliquée

Enfoncée dans un canapé, elle n’avait pas caché sa détresse après une saison et demie uniquement sur le circuit adultes. «C’est plus dur que je ne pensais, avouaitelle. Le jeu n’est pas fondamentalement différent, par contre la mentalité est tout autre. De l’autre côté du filet, il y a autant la jeune prodige que la mère de famille qui revient à 35 ans. En juniors, rien n’a vraiment d’importance. Là, tout a une conséquence. Un match vaut trois points WTA ou 300 euros. Pour certaines, c’est beaucoup.»

«Pour toutes, c’est le moyen de s’en sortir, d’aller plus haut, reprend Sebastianna Scilipoti. C’est un peu comme quand on passe du collège à l’uni et qu’il faut travailler pour soi, avec cette difficulté supplémentaire qu’il y a une adversaire qui essaye de vous faire déjouer. En juniors, on joue aussi beaucoup de matchs, on enchaîne, on gagne, on surfe sur l’euphorie. Là, c’est beaucoup plus en dents de scie. Quand on perd, on ne rejoue pas avant le prochain tournoi. Je perds souvent mes matchs à l’expérience. Quand c’est serré, mon adversaire sait que je vais craquer, et je sais qu’elle sait que je vais craquer.»

Lorsqu’on lui rappelle cet épisode, Sebastianna Scilipoti a cette formule: «En un mois et demi, j’ai réglé presque un an de problèmes!» La solution tenait à peu de choses, une attitude, des promesses faites mille fois et enfin tenues. «La clé était mentale. Comme j’avais de mauvais résultats, je me refermais sur moi-même, je me voyais descendre au classement. J’avais l’impression de ne jamais sortir de cette spirale alors qu’un déclic, un match, peuvent tout relancer.»

Ainsi, en finale contre la Serbe Anja Stankovic, elle gagne 6-3 6-0 mais les choses auraient pu tourner différemment. «Je suis menée 1-3 et je me sens impuissante. Mon coach m’a dit: «Continue, reste calme, elle ne peut pas jouer comme ça tout le match, sinon elle serait top 10.» Je ne me suis pas frustrée, je suis restée hyper calme et j’ai gagné 11 jeux de suite.»

Pour sa victoire, la Genevoise empoche 15 points WTA et 1650 euros nets. A peine de quoi couvrir ses frais. «Je dois payer deux chambres dans le resort, l’une pour mon coach [Luis Bruguera, le père de l’ancien numéro un mondial Sergi Bruguera], l’autre pour moi, à 75€ la nuit, plus 20€ par jour pour le repas de midi. Avec l’avion, je mets 30% de ma poche. Mais c’est un investissement, que je peux me permettre grâce à mes sponsors et aux partenaires institutionnels.»

Cette semaine, Sebastianna Scilipoti reste en Serbie. Sa victoire lui permet d’entrer directement dans le tableau principal de la catégorie supérieure et de revenir dans le Top 600 du classement WTA.

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2023-06-06T07:00:00.0000000Z

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