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Une opposition aux liens fragiles

Un demi-million de personnes ont défilé dimanche contre le gouvernement conservateur, revigorant les troupes des opposants. Mais peut-être pas suffisamment pour leur garantir la victoire aux prochaines législatives

HÉLÈNE BIENVENU, VARSOVIE @bienvenuLN

La Pologne n’avait pas connu une telle mobilisation depuis la chute du communisme en 1989 alors que près d’un demi-million de personnes ont marché dans les rues du centre-ville de la capitale polonaise, dimanche 4 juin. Un tour de force pour Donald Tusk, le chef de file du plus grand parti d’opposition en Pologne (PO, Plateforme civique), qui en était l’organisateur et dont la campagne électorale, en vue des élections législatives de l’automne 2023, semblait patiner. L’ancien premier ministre a pu bénéficier d’un «coup de pouce» inespéré du PiS (Droit et justice) au pouvoir, grâce à la mise en place, quelques jours auparavant, d’une commission d’enquête sur les influences russes, jugée anticonstitutionnelle par de nombreux juristes et condamnée par Bruxelles comme Washington.

Ce qui a été perçu comme une atteinte supplémentaire à la démocratie en Pologne a poussé les manifestants et le restant de l’opposition à défiler aux côtés de Donald Tusk le 4 juin. Or, c’est bien là que réside l’une des clés d’une potentielle victoire de l’opposition d’ici le 15 octobre, date présumée du scrutin. Car l’ensemble de l’opposition démocratique (hors extrême droite) faisait jusque-là campagne en ordre dispersé.

Rapports de force stables

Les sondages des derniers mois indiquent une surprenante stabilité des rapports de force: l’étude d’opinion d’United Surveys, effectuée entre le 2 et le 4 juin, donne cette fois-ci l’opposition démocratique gagnante. Ses trois listes mises bout à bout obtiendraient 47%, et une très courte majorité de sièges, contre 33% pour le PiS, qui n’est pas certain de pouvoir compter sur le soutien de l’extrême droite de Konfederacja (autour de 11%) pour former un gouvernement. «Que le PiS ou l’opposition l’emporte, c’est un gouvernement très instable qui se dessine», avertit Tomasz Kasprowicz, rédacteur en chef de Res Publica Nowa, une publication centrée sur le débat public en Pologne.

«Les élections s’annoncent très serrées», poursuit l’analyste. Car rien n’indique que cette opposition hétéroclite ne parvienne à s’unir et rien ne dit d’ailleurs qu’elle y aurait intérêt. «Une liste commune pourrait démobiliser certains électeurs, et puis le restant de l’opposition redoute de devoir être aux ordres de Donald Tusk, dont le parti est le plus influent», argumente encore Tomasz Kasprowicz. Car tout ce qui unit ces formations d’opposition réside essentiellement dans leur rejet du PiS et le respect des valeurs démocratiques. Tout le reste ou presque diverge: entre la gauche de Lewica; les suiveurs de la coalition de Donald Tusk – de centre et de droite – et le bloc de la troisième voix, qui rassemble un parti agrarien et un parti démocrate chrétien. «Tout va dépendre de la mobilisation dans chacun des camps car je ne crois pas trop au potentiel des indécis, argumente encore Tomasz Kasprowicz. Il ne fait aucun doute que le rassemblement du 4 juin a redonné de la vigueur à l’opposition, personne ne s’attendait à une mobilisation d’une telle ampleur, mais reste à savoir combien de temps cet élan va durer.» ■

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2023-06-06T07:00:00.0000000Z

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