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L’OMS, «punching-ball» des républicains

Après les félicitations de Donald Trump à Kim Jong-un pour l’élection de la Corée du Nord au conseil exécutif de l’Organisation mondiale de la santé, les autres candidats éreintent l’ancien président et l’institution genevoise

SIMON PETITE, MIAMI @simonpetite

A suivre la campagne pour l’investiture républicaine pour la présidentielle de novembre 2024, on croirait que le dictateur nord-coréen Kim Jong-un vient d’être élu à la tête de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette distorsion de la réalité a commencé par un message vendredi de Donald Trump sur son réseau social. «Félicitations à Kim Jong-un», écrivait le favori pour défier Joe Biden dans une année et demie.

L’ancien président faisait en réalité référence à l’élection de la Corée du Nord au Conseil exécutif de l’organisation basée à Genève. Le 30 mai dernier, l’OMS annonçait l’élection de dix pays à bulletins secrets, dont la Corée du Nord mais aussi la Suisse, l’Ukraine ou le Qatar. L’usage veut que ces nominations se fassent par consensus mais la Russie avait demandé un vote pour tenter de bloquer la candidature de l’Ukraine. En vain. Dans un vote groupé, les dix candidats ont chacun obtenu 123 voix favorables sur les 194 pays membres de l’OMS.

Les amitiés de Donald Trump

Avec les organisations onusiennes, c’est toujours la même histoire. Chaque pays y a droit à un siège. Et il y a rarement une majorité pour empêcher les Etats les moins recommandables d’accéder aux postes à responsabilité. La Corée du Nord siégera pour trois ans dans cet organe de 34 Etats, dans lequel figure aussi la Syrie de Bachar el-Assad, la Biélorussie, alliée de Moscou, l’Ethiopie qui a bloqué pendant deux ans l’aide alimentaire à la province rebelle du Tigré, ou l’Afghanistan contrôlée par les talibans. «La Corée du Nord affame son peuple et dépense des milliards de dollars pour développer des armes nucléaires qui menacent le monde», dénonçait le 31 mai dernier l’ONG UN Watch, qui ne perd pas une occasion de vilipender le fonctionnement de l’ONU.

«L’OMS a laissé tomber le monde au début de la pandémie, en couvrant ce qui se passait en Chine» MIKE PENCE, EX-VICE PRÉSIDENT AMÉRICAIN

C’est aussi la position de la droite américaine… à l’exception de son chef de file. Donald Trump a préféré mettre en avant sa «très bonne relation» avec Kim Jong-un. Quand il était à la Maison-Blanche, il avait été le premier président américain en exercice à fouler le sol nord-coréen, sur la ligne de démarcation entre les deux Corées, le 30 juin 2019. Donald Trump avait précédemment rencontré deux fois le dictateur nord-coréen à Singapour et au Vietnam. Ces sommets avaient permis de faire baisser la tension entre Washington et Pyongyang, les deux pays s’étant menacés d’annihilation. Mais ces efforts diplomatiques n’ont en rien freiné les programmes nucléaire et balistique nord-coréens.

«Organisation en faillite»

La sortie nord-coréenne de Donald Trump a donné une rare occasion à ses rivaux de se démarquer. «Je ne crois pas que nous devrions féliciter des dictateurs. Félicitons nos amis, pas nos ennemis, car cela les renforce», a critiqué Nikki Haley, invitée dimanche sur CNN. L’ancienne ambassadrice de Donald Trump auprès de l’ONU a qualifié l’OMS, qui a élu la Corée du Nord à «sa vice-présidence» (sic) de «farce». Après qu’elle a quitté son poste de diplomate, Donald Trump avait retiré les Etats-Unis de l’OMS, accusée d’avoir tardé à réagir à la pandémie et d’avoir ménagé la Chine. Le retour de Washington avait été acté dès le début du mandat de Joe Biden en janvier 2021.

«L’OMS a laissé tomber le monde au début de la pandémie, en couvrant ce qui se passait en Chine», a renchéri l’ancien vice-président Mike Pence. En suspendant les financements américains et en annonçant le retrait des Etats-Unis, «nous avons demandé des comptes», a-t-il poursuivi, interrogé ce week-end par Fox News. Lui aussi critique les félicitations de son ancien patron à Kim Jong-un: «Nous devons défendre la liberté et être aux côtés de ceux qui en font de même.»

Enfin, Ron DeSantis a prôné samedi un nouveau retrait de l’OMS, «une organisation en faillite». Il a appelé aussi à rejeter le traité que les Etats membres négocient pour prévenir la prochaine pandémie. Un texte qualifié de «traité de confinement» alors que le gouverneur de Floride se targue d’avoir gardé son Etat ouvert contre l’avis de Washington. Pas de doute, les organisations internationales, qui font une partie de la fortune de Genève, ont du souci à se faire en cas de retour des républicains à la Maison-Blanche.

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2023-06-06T07:00:00.0000000Z

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