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Des armes de l’OTAN utilisées sur sol russe?

Le premier ministre belge demande des explications à l’Ukraine après les révélations du «Washington Post». Des armes livrées par d’autres pays membres de l’OTAN auraient aussi servi à des attaques, notamment dans la région de Belgorod

VALÉRIE DE GRAFFENRIED, BRUXELLES @vdegraffenried

Des combattants russes pro-Ukraine qui brandissent des armes belges sur sol russe? Révélée samedi par le Washington Post, la nouvelle a aussitôt donné des sueurs froides au premier ministre belge. Alexander De Croo s’est empressé de mettre les services de renseignement sur le coup et de demander des explications à Kiev.

Selon le quotidien, qui a eu accès à des photos et s’appuie sur des responsables américains familiers des services de renseignement, des combattants russes anti-Poutine ont, lors de récentes attaques dans la région de Belgorod, utilisé «au moins quatre véhicules tactiques livrés à l’origine à l’Ukraine par les Etats-Unis et la Pologne», ce qui «soulève des questions sur l’utilisation involontaire d’équipements fournis par l’OTAN et sur les engagements de Kiev à sécuriser le matériel livré par ses partisans».

Il s’agirait de MRAP (Mine Resistant Ambush Protected), des véhicules blindés qui résistent aux mines et aux embuscades. Mais ce n’est pas tout: des fusils d’assaut fabriqués par la Belgique et la République tchèque, et au moins une arme antichar AT4, auraient également servi aux milices anti-Poutine Liberté de la Russie et Corps des volontaires russes. Des milices composées de combattants d’origine russe ou de nationalité russe, dont des néonazis.

Voilà qui remet en cause les promesses du président ukrainien Volodymyr Zelensky sur la gestion des milliards de dollars et d’armes qui ont afflué vers son pays. Une des conditions claires était que les armes ne soient pas utilisées pour des attaques sur sol russe.

«Pour des objectifs de défense»

Ces incursions dans la province de Belgorod organisées depuis l’Ukraine s’inscrivent dans le contexte de la guerre des nerfs qui accompagne l’annonce d’une contre-offensive ukrainienne. Des attaques de drones ont également ciblé Moscou. Lundi, CNN affirmait d’ailleurs, en se basant aussi sur des sources proches des renseignements, que l’Ukraine aurait fourni des drones à des agents saboteurs postés en Russie. Le Washington Post avait le 14 mai déjà insinué que Volodymyr Zelensky voulait intervenir sur sol russe. Le président ukrainien avait alors botté en touche et qualifié les informations émanant de services de renseignement de «fantasmes».

Si les Etats-Unis ont rapidement condamné le fait que du matériel militaire envoyé à Kiev se retrouve en Russie, la Belgique a également été prompte à réagir. Et sur le même ton. Bien sûr, ces Scar, pour Special Operations Forces Combat Assault Rifle, des fusils d’assaut fabriqués par la FN Herstal, pourraient avoir été fournis par un état tiers ou avoir été récupérés sur le terrain, mais le scénario de leur mise à disposition aux milices par Kiev reste plausible.

Alexander De Croo veut en avoir le coeur net. «On demande aux Ukrainiens de nous éclaircir la situation, a lâché le premier ministre belge sur les ondes de la radio publique belge. La règle est stricte, elle est claire: nos armes fournies à l’Ukraine, c’est pour des objectifs défensifs, pour défendre le territoire ukrainien.» Des objectifs précisés d’ailleurs dans les documents qui accompagnent chaque livraison.

La ministre de la Défense, Ludivine Dedonder, et sa collègue des Affaires étrangères, Hadja Lahbib, sont chargées d’obtenir des éclaircissements du côté ukrainien. Les autorités belges refusent par contre de préciser combien de ces fusils ont été envoyés à l’Ukraine et n’ont pas voulu se prêter au jeu de l’identification sur une photo fournie par le Washington Post. Seul axe de défense: la Belgique a toujours transmis ces armes aux autorités officielles et à l’armée régulière.

La Belgique a débloqué en janvier son plus important paquet d’aide militaire à l’Ukraine, d’une valeur de 90 millions d’euros. Des Scar en faisaient à nouveau partie. Combien? Mystère. ■

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2023-06-06T07:00:00.0000000Z

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