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Les recruteurs assaillis par les salariés de Credit Suisse

Depuis ce week-end, les cabinets de recrutement croulent sous les candidatures des employés de l’ex-numéro deux bancaire helvétique. Certains profils sont prisés, d’autres beaucoup moins

RICHARD ÉTIENNE ET ALEXANDRE BEUCHAT t @rietienne t @beuchat_a

C'est la ruée vers d'autres banques. Un peu partout, les cabinets de recrutement font état d'une forte accélération des candidatures et autres dépôts de CV émanant d'employés de Credit Suisse. Le phénomène est mondial mais, selon les agences que nous avons contactées, il se fait encore plus ressentir en Suisse où, selon l'institut BAK Economics, entre 9500 et 12 000 emplois pourraient passer à la trappe avec la reprise du numéro deux bancaire helvétique par son rival historique UBS.

«Ça fait deux mois que nous voyons une hausse du nombre de profils de Credit Suisse qui postulent, mais ça s'est énormément accéléré ce week-end, dans le monde et surtout en Suisse. Les profils sont très variés, des décisionnaires aux profils plus juniors. Ils cherchent en général un travail dans d'autres banques», indique Charlotte Vitoux, directrice du cabinet de recrutement Morgan Philips Group en Suisse. «Cela me fait un peu penser à la situation de Lehman Brothers en 2008, quand tout le monde fuyait la banque.»

Profils recherchés

«Les employés de Credit Suisse ont tendance à être fidèles à la banque car c'est un bon employeur mais aussi parce qu'ils doivent [les cadres supérieurs seulement, ndlr] rembourser une partie de leur bonus en cas de démission», signale Marc-Antoine Glauser, spécialiste bancaire du cabinet Allec Allan Associés. «Cela dit, ces dernières semaines, j'ai reçu un nombre croissant de CV et lundi matin j'ai reçu plusieurs messages indiquant que j'allais en recevoir beaucoup plus.»

Les employés de Credit Suisse qui veulent quitter la banque trouveront-ils un travail? Tout dépend de leur profil et de leur degré de flexibilité, selon nos informations. «Les banquiers, qui ont des clients, ne devraient pas avoir de souci pour trouver un emploi; par contre pour les fonctions de support – les assistants de gestion, les employés d'agence – ce sera beaucoup plus compliqué», estime Marc-Antoine Glauser.

«Il y a du travail à l'international et, en Suisse, il se trouve presque uniquement à Zurich d'abord, et à Genève ensuite. Le marché n'est pas à sec, le taux de chômage très bas et le secteur mouvant, mais il faut être flexible. Ça ne sera pas facile car les conditions de travail chez Credit Suisse sont très bonnes», estime Charlotte Vitoux.

La spécialiste relève qu'un nombre croissant de salariés, souvent des parents, choisissent de travailler loin de leur lieu de résidence pour des questions familiales notamment. «De vivre par exemple à Genève et de travailler à Zurich, avec deux jours de télétravail par semaine. En général, ça fonctionne très bien et ils sont très engagés, notamment parce qu'ils se sentent redevables vis-à-vis de leur employeur», affirme Charlotte Vitoux.

Les cabinets de recrutement des grandes places financières, de Londres à New York en passant par Singapour et Hong Kong, font à peu près tous état d'une accélération spectaculaire du nombre d'appels d'employés de Credit Suisse cherchant à trouver un autre employeur, selon l'agence Bloomberg. UBS et Credit Suisse recensent en tout près de 125 000 employés, dont un petit tiers en Suisse.

Pesante incertitude

«Cela me fait un peu penser à la situation de Lehman Brothers en 2008, quand tout le monde fuyait la banque» CHARLOTTE VITOUX, DIRECTRICE DU CABINET DE RECRUTEMENT MORGAN PHILIPS GROUP EN SUISSE

En Suisse, on estime que les deux grandes banques comptent au total 37 000 employés. Rien que dans le canton de Zurich entre 6500 et 8000 postes pourraient passer à la trappe, selon BAK Economics. Le processus de transformation d'UBS prendra plusieurs années. Une partie des personnes concernées devrait être facilement employable sur le marché du travail, qui subit une pénurie de travailleurs qualifiés, selon l'institut.

Dans une conférence de presse commune mardi à Berne, l'Union syndicale suisse (USS) a exprimé son soutien à l'Association suisse des employés de banque (ASEB) dans sa lutte pour maintenir les emplois et obtenir un bon plan social. «La situation est dramatique pour les collaborateurs, en particulier ceux du Credit Suisse. Pour les employés, l'incertitude est extrêmement pesante: une tempête se prépare, mais personne ne sait s'il sera touché», ont souligné les syndicats.

«Les plans sociaux existant chez Credit Suisse et UBS ont été jusqu'à présent un bon instrument. C'est pourquoi ils doivent être étendus», ont-ils exigé. L'ASEB réclame également des mesures pour favoriser la reconversion du personnel qui sera touché par la restructuration et demande d'éviter tout licenciement jusqu'à la fin de l'année.

Les deux organisations estiment urgente la mise en place d'une task force réunissant d'ici à la fin du mois les partenaires sociaux afin de préparer un «parapluie de sauvetage» pour le personnel. Lors de la fusion, les contrats de travail qui seront transférés doivent être assortis d'une protection contre le licenciement, en particulier pour les plus de 55 ans, réclame l'USS.

Economie & Finance

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2023-03-22T07:00:00.0000000Z

2023-03-22T07:00:00.0000000Z

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