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Credit Suisse, révélateur des priorités des partis

La gauche appelle la Confédération à soutenir la population comme elle l’a fait pour la grande banque, par exemple dans le domaine de la garde extra-familiale ou des primes maladie. Pas sûr qu’elle trouve de l’écho à droite, notamment au PLR ou à l’UDC

PHILIPPE BOEGLIN, BERNE @BoeglinP

«Les finances fédérales se trouvent dans une situation tendue.» C'est ce que répètent depuis des mois certains parlementaires bourgeois ou encore, du côté du Ministère des finances, le désormais retraité Ueli Maurer (UDC) et sa successeure en fonction Karin Keller-Sutter (PLR). Avec pour conséquence le refus d'aides publiques, que ce soit pour alléger les primes des caisses maladie ou subventionner davantage la garde d'enfants extra-familiale. Le frein à l'endettement empêche tout écart.

Or voici que dimanche, les cordons de la bourse se desserrent. Gérée avec incompétence depuis des années, la grande banque Credit Suisse chancelle, affole les marchés financiers. Sous l'impulsion de Karin Keller-Sutter, le Conseil fédéral libère alors coup sur coup 9 milliards de garanties pour UBS, repreneur de Credit Suisse, et garantit 100 milliards de prêts de la Banque nationale suisse. La catastrophe est évitée.

Mais la gauche tempête. «On se réveille avec un discours qui énerve la population au plus haut point», s'emporte ainsi Samuel Bendahan (VD), vice-président du Parti socialiste. «On dépense des montants colossaux pour les banques, et la droite PLR-UDC ne fait rien pour les rentiers AVS, les primes maladie, ou la garde extra-familiale.» Son courroux trouve de l'écho au-delà du camp rose-vert. Hier matin au micro de la radio RTS, l'avocat fiscaliste Philippe Kenel estimait «absolument impératif que la Suisse, si elle a pu donner autant d'argent aux banques, fasse un geste pour les autres demandes, pour les employés, au nom de la cohésion sociale. Les partis de droite doivent aller dans ce sens.»

A sept mois des élections fédérales, faire ou ne pas faire des gestes peut avoir un impact sur la force des partis – sans compter évidemment la situation financière concrète de certaines catégories de population. Mais pour l'instant, la droite ne semble pas décidée à bouger.

«On compare des pommes et des bananes», s'exclame Damien Cottier (NE), chef du groupe parlementaire libéral-radical. «Les subventions sont une dépense assurée, alors que les garanties pour la BNS, qui elle-même prête à UBS, ne courent qu'un risque minime d'être utilisées. Quant aux neuf milliards de garanties directes à UBS, ils sont certes un peu plus porteurs de risque avec les potentielles activités problématiques de Credit Suisse. Mais là aussi, la Confédération intervient en second, après UBS qui assure les cinq premiers milliards.»

Positions tranchées

Le conseiller national se défend de rester inactif pour le reste. Concernant la garde d'enfants extra-familiale, «nous soutenons l'aide sur le principe, mais à condition d'augmenter la participation des cantons, et de redimensionner l'ensemble. On se retrouve maintenant avec un projet monstrueux à 710 millions, qui n'est pas finançable, pour une activité qui n'est pas de la compétence de la Confédération.»

En matière de dépenses publiques, le PLR fait souvent équipe avec l'UDC pour prôner une ligne restrictive. Les responsables du parti conservateur contactés n'ont pas répondu à nos appels. Mais en général, leurs positions tranchées sur les aides publiques (à l'exception notoire de l'armée et de l'agriculture) laissent peu d'ouverture.

Le Centre est dans un cas différent. Il approuve les subventions à la garde extra-familiale, et ses élus du Conseil national avalisent l'allègement des primes maladie – a contrario de plusieurs de ses sénateurs au Conseil des Etats. Membre de la présidence, Marie-France Roth Pasquier (FR) souhaite à présent «finaliser» ces deux projets.

L'ex-PDC fait en revanche partie des économes dans la réforme de la prévoyance professionnelle (LPP), deuxième pilier des retraites. Avec le PLR, l'UDC et les vert'libéraux, il vient d'adopter une baisse des rentes et ne dédommage que la moitié de la génération transitoire. «Le problème du projet, c'était qu'il était menacé à gauche et à droite, il a donc fallu trouver des compromis et je m'y retrouve. Nous n'avons pas oublié les gens qui en ont le plus besoin, les bas salaires, les femmes, les temps partiels», insiste la conseillère nationale.

Entente sur les bonus

Mais la gauche annonce une votation populaire. Comment justifier ces coupes dans les rentes vieillesse alors que Berne vient de lâcher des milliards pour Credit Suisse? «La réforme est bien sûr plus difficile à expliquer aux gens après ceci. Mais le problème vient aussi du Département fédéral des finances, qui vient nous dire que certaines dépenses sont impossibles, alors que tout à coup on découvre que ça l'est», poursuit Marie-France Roth Pasquier, écorchant au passage les graves erreurs des dirigeants de la banque.

Les dirigeants? C'est sur ce point que la gauche et les bourgeois semblent s'accorder, ce qui n'a pas toujours été le cas, les premiers ayant souvent été isolés par le passé. Presque à l'unisson, ils exigent à présent la suppression des bonus pour cette année. Le PLR demande même le remboursement des bonus passés. Dans le camp bourgeois, Le Centre et le PLR parlent aussi d'autocritique au moment de revoir la réglementation bancaire. Un pas que n'a pas franchi l'UDC. Pour le parti blochérien, les causes du mal se trouvent dans le management du CS… et dans le «copinage PLR».

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2023-03-22T07:00:00.0000000Z

2023-03-22T07:00:00.0000000Z

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