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Le pataquès judiciaire, une malédiction genevoise

F. MA.

Ce devait être le méga-dossier immobilier de la décennie, celui qui révélerait les pratiques de véritables rois de l'esbroufe et qui rendrait justice à 188 parties plaignantes dont le rêve de devenir propriétaires avait viré au cauchemar. Au lieu de cela, la procédure se transforme en quasi-déroute avec la récusation de la procureure Caroline Babel Casutt, sur fond de manquements répétés en lien avec le secret professionnel de l'avocat.

L'affaire tombe au plus mal pour le Ministère public, déjà attaqué sur de nombreux cas plus politiques. Même si, en vertu de la loi sur l'organisation judiciaire, chaque procureur instruit en toute indépendance, un tel pataquès nuit évidemment à l'image de la juridiction dans son ensemble et à celle de son grand chef. Ce, d'autant plus que le procureur général Olivier Jornot, qui doit notamment veiller à ce que les magistrats remplissent leur charge avec dignité et rigueur, a imprimé un style très dirigiste.

Ce n'est certes pas la première fois qu'un procès explose en plein vol à Genève pour cause de récusation. Cela semble même être une malédiction qui touche les dossiers les plus sensibles de la République, des affaires forcément scrutées et soumises à davantage de pressions. Deux naufrages, qui ne sont pas du fait du parquet mais des juges du siège, reviennent immédiatement en mémoire.

Couacs à répétition

En 2010, le procès des anciens dirigeants et réviseurs de la Banque cantonale de Genève, jugés pour une débâcle retentissante, était interrompu après trois semaines entières d'audience qui ont vu défiler moult notables à la barre des témoins. Le président de la Cour correctionnelle de l'époque était récusé pour avoir manipulé le tirage au sort du jury afin de s'assurer de la présence de citoyens assez disponibles et motivés pour une si longue aventure. Le procès a dû reprendre à zéro l'année suivante.

En 2017, rebelote. Un autre coup de tonnerre venait secouer le ciel judiciaire dans une histoire sanglante déjà transformée en séisme institutionnel. Le Tribunal criminel, chargé de juger l'affaire Adeline, du nom de la sociothérapeute assassinée par un détenu en sortie accompagnée, était récusé dans son ensemble pour avoir donné toutes les apparences d'un évident parti pris contre le prévenu lors de l'interrogatoire des psychiatres. Le procès, déjà suspendu trois mois auparavant pour nouvelle expertise, a également dû reprendre en entier.

Dans ces deux cas, le dégât d'image a été considérable pour la justice, mais l'essentiel était sauf. Le dossier d'instruction n'avait pas été touché et l'affaire pouvait dès lors être confiée à de nouveaux juges. L'aventure des écoutes sera certainement plus compliquée à régler et à oublier.

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2023-03-22T07:00:00.0000000Z

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