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L’angoisse américaine face à l’axe Moscou-Pékin

Observant le sommet entre Xi Jinping et Vladimir Poutine, les Etats-Unis mettent en garde contre une aide militaire chinoise à l’encontre de l’Ukraine et craignent d’être marginalisés par l’activisme diplomatique de leur rival stratégique

SIMON PETITE, SAN FRANSISCO @simonpetite

Le gouvernement américain a regardé attentivement les présidents chinois Xi Jinping et russe Vladimir Poutine mettre en scène leur «amitié» à Moscou. Washington essayait de lire entre les lignes des déclarations des deux leaders. La principale angoisse américaine: que la Chine commence à fournir une aide militaire à la Russie, changeant le rapport de force en défaveur de l’Ukraine, soutenue massivement par les Occidentaux.

Dans la perspective d’une contre-offensive ukrainienne ce printemps, les EtatsUnis vont accélérer la livraison de certains armements cruciaux, comme les batteries antimissiles Patriot et les tanks Abrams promis par Joe Biden en janvier, selon ce qu’ont affirmé hier des responsables du Pentagone.

Livraison de drones

Sur une éventuelle aide chinoise, les responsables américains sont nuancés, assurant que ce sommet n’a pas produit de résultat fracassant. «La Chine a soutenu tacitement la Russie dans son invasion de l’Ukraine. Elle n’a pas fourni d’aide militaire mais refuse de participer aux sanctions contre Moscou. Et elle adhère au narratif d’une menace existentielle à la Russie posée par l’Ukraine, les Occidentaux et l’OTAN, ce qui est un non-sens», soutenait lundi John Kirby, le porte-parole du Conseil national de sécurité. Selon Washington, la question d’une aide militaire chinoise est toujours sur la table des discussions entre Pékin

«La Chine adhère au narratif d’une menace existentielle à la Russie» JOHN KIRBY, PORTE-PAROLE DU CONSEIL NATIONAL DE SÉCURITÉ AMÉRICAIN

et Moscou. A en croire le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, Vladimir Poutine l’a formellement demandée à Xi Jinping. Mais aucune décision n’a, selon lui, été prise.

Si tel était cas, il serait peu probable que le gouvernement chinois le crie sur les toits. Des livraisons sont-elles déjà opérées discrètement? C’est ce qu’affirme le New York Times hier. Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, la Chine a transféré des drones à la Russie pour une valeur de 12 millions de dollars.

Une «ligne rouge»

Ces engins sont à double usage: civil d’une part, mais ils peuvent aussi être utilisés sur le champ de bataille à des fins de reconnaissance. Le montant est modeste et ces transferts ont diminué ces derniers mois, selon le New York Times. Mais cela montre toute la difficulté de suivre la trace des exportations. Les Etats-Unis ont averti la Chine que toute aide militaire létale serait une «ligne rouge» et que Pékin s’exposerait à des sanctions économiques.

Si la Chine ne semble pas avoir franchi le Rubicon, c’est aussi qu’elle ne veut pas abîmer sa position de médiatrice pour mettre fin à la guerre contre l’Ukraine, se rassure Washington. Mais la place de plus en plus importante prise dans ce domaine est aussi une source d’inquiétude pour les Etats-Unis. Xi Jinping peut s’enorgueillir d’un succès diplomatique majeur avec le rétablissement le 10 mars dernier des relations diplomatiques entre l’Iran et l’Arabie saoudite, un allié traditionnel des Etats-Unis. L’administration Biden s’est réjouie de cet accord sous l’égide chinoise mais craint d’être marginalisée par l’activisme diplomatique de son rival stratégique. Quant à l’opposition républicaine, elle s’inquiète du rapprochement entre la Chine et la Russie, favorisée, selon elle, par le soutien américain inconsidéré à l’Ukraine. ■

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2023-03-22T07:00:00.0000000Z

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