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Pour les notaires, informer mais jusqu’où?

La branche assume le besoin de bien informer les acquéreurs au sujet du droit de préemption. Mais elle se défend également, affirmant qu’il lui est impossible de connaître à l’avance les intentions de l’Etat

M. GT

Président de la Chambre des notaires de Genève, Me José-Miguel Rubido est d'accord avec Antonio Hodgers: la banque, le notaire et le courtier doivent informer correctement les acquéreurs des restrictions légales associées au bien qu'ils convoitent. «En revanche, le notaire ne peut pas savoir en amont de la transaction immobilière si l'Etat va effectivement exercer son droit de préemption dans une zone de développement.»

Pour justifier son acte à Chêne-Bourg, l'Etat a invoqué le prix «totalement surfait» et l'intention des acheteurs, souhaitant s'y implanter durablement, alors que la parcelle doit revenir à un promoteur décidé à développer la zone en y bâtissant logements, écoles, parc. «Ce sont deux éléments subjectifs. En tant que notaire, je ne peux pas dire à l'acquéreur que le prix est excessif, à moins d'une erreur ou d'une surévaluation manifestes. Toute la question est de savoir jusqu'où je dois l'informer, sachant que j'ai aussi un devoir de réserve à l'égard du vendeur», explique José-Miguel Rubido, auteur d'une thèse sur le droit de préemption.

Expert immobilier à la rescousse

Cela étant, il n'hésite pas dans la pratique à suggérer à l'acheteur de consulter un expert immobilier en cas de doute sur la valeur. C'est d'ailleurs ce qu'ont fait, trop tard, les acquéreurs du bien litigieux, vendu à 2,2 millions de francs: une estimation sommaire l'a évalué dans une fourchette comprise entre 1,2 et 1,5 million de francs. Cela précisément en raison des développements futurs de la zone. Et qu'importe l'échéance, puisque selon la jurisprudence, l'Etat n'a pas à justifier d'un projet concret, comme un plan localisé de quartier en force, pour agir.

Confronté à une situation analogue, à Conches, Me José-Miguel Rubido a proposé l'ajout d'une clause assujettissant la vente à la réponse de l'Etat et de la commune concernée. Autrement dit, l'acheteur recouvre son acompte, les fameux 10% versés à la signature de la promesse d'achat, dès lors que le droit de préemption s'exerce. «C'est une démarche prudente, ajoute-t-il, dans le contexte politisé que sont les zones de développement. Mais si le client ne veut pas de cette prudence, est-ce la faute du notaire?»

Manifestement, une telle clause n'a pas été incluse dans la convention à ChêneBourg: l'argent est bloqué chez le notaire depuis le mois de septembre, le vendeur ayant refusé de libérer les fonds et étant déterminé à se battre pour que la vente se fasse. En revanche, précise José-Miguel Rubido, les acheteurs seront remboursés des «frais d'acquisition», en l'espèce à hauteur de 64 000 francs. Les émoluments du notaire peuvent l'être immédiatement, mais ce sera plus long pour les droits d'enregistrement et les émoluments du registre foncier, que l'Etat devra rétrocéder.

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2022-12-07T08:00:00.0000000Z

2022-12-07T08:00:00.0000000Z

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