Pas d’accord-cadre, pas de nouveaux trains

La compagnie bernoise voulait faire circuler ses rames jusqu’en Italie, mais l’indispensable feu vert de Bruxelles tarde à venir. L’absence d’accord-cadre bloque l’application des directives européennes en matière d’homologation ferroviaire

Entre Brigue et Domodossola, une ligne toujours plus fréquentée, on attendait de nouvelles rames dès le changement d’horaire du 11 décembre 2022. La compagnie Berne-Lötschberg-Simplon veut ainsi offrir aux passagers un confort et des capacités supérieures aux trains régionaux actuels. Ces trains ne pourront malheureusement pas circuler. A cause de l’absence d’accord-cadre entre la Suisse et l’Union européenne, l’homologation n’a pas pu se faire à temps. La BLS fait ainsi, pour un tronçon d’une petite quarantaine de kilomètres, les frais des divergences qui subsistent avec l’UE.

Le samedi, c’est jour de marché à Domodossola. Les Suissesses et les Suisses sont nombreux à se rendre pour y acheter des produits régionaux, de l’artisanat, des vêtements, des articles de maroquinerie. La compagnie BLS (Berne-Lötschberg-Simplon) l’a bien compris. Elle a mis en service des trains directs entre Brigue et la cité italienne située de l’autre côté du Simplon. Cette relation ferroviaire vise un autre but, explique le porte-parole Stefan Locher: «En semaine, ces trains sont bien remplis aux heures de pointe, le matin et le soir, grâce aux pendulaires en provenance d’Italie.»

Convaincue du succès de cette liaison transfrontalière, BLS souhaite la développer. C’est pourquoi elle avait prévu de remplacer les trains régionaux actuels par les nouvelles rames MIKA construites par Stadler et déjà en service sur l’axe Berne-La Chauxde-Fonds. Dotées d’un bar et d’un espace élargi pour les vélos, ces nouvelles compositions offrent un confort et des capacités supérieures (275 places assises par rame) au précédent matériel roulant (entre 140 et 190) utilisé par la compagnie bernoise sur son réseau.

Douze trains MIKA devaient circuler jusqu’à Domodossola dès le changement d’horaire du 11 décembre 2022. Ce ne sera pas le cas. A cause de l’absence d’accord-cadre entre la Suisse et l’UE, l’homologation n’a pas pu se faire à temps. «Pour être engagés en Italie, les trains MIKA doivent suivre une procédure d’autorisation plus longue que ce qui était prévu», indique BLS. Malgré sa position géographique au centre du continent, l’UE considère en effet la Suisse comme un Etat tiers, au même titre que des pays tels que la Serbie, l’Albanie ou la Turquie!

Démarche bloquée

Cela découle du fait que l’UE a réformé les procédures d’homologation dans le cadre de son quatrième train de mesures (nommé «paquet») ferroviaire. Les clauses de l’accord bilatéral sur les transports terrestres doivent être adaptées à ces nouvelles règles, mais l’UE n’est pas disposée à le faire tant que les questions institutionnelles bilatérales ne sont pas réglées.

C’est le directeur de l’Office fédéral des transports (OFT), Peter Füglistaler, qui a tiré la sonnette d’alarme. «L’absence de clarification des relations entre la Suisse et l’UE devient tangible. Jusqu’à maintenant, les procédures d’homologation du matériel roulant en trafic transfrontalier étaient simplifiées. L’adoption du quatrième paquet ferroviaire impose de nouvelles règles. La Suisse est disposée à reprendre à son compte le pilier technique. Pour cela, l’accord bilatéral sur les transports terrestres doit être adapté, mais cette démarche est bloquée à cause des questions institutionnelles ouvertes», a-t-il révélé dans un message diffusé sur les réseaux sociaux.

Il poursuit: «Comme l’UE considère la Suisse comme un Etat tiers, chaque pays membre doit obtenir un mandat de la Commission européenne pour négocier un accord portant sur une ligne transfrontalière. Celui-ci doit ensuite être approuvé par la Commission. Ce processus prendra un certain temps. Jusqu’à la conclusion d’un tel accord, les compagnies ferroviaires comme le BLS doivent se soumettre à une procédure d’approbation auprès de l’Agence ferroviaire européenne (AFE) pour que le matériel roulant neuf soit autorisé à circuler en trafic transfrontalier.»

Pour 40 kilomètres

Le quatrième paquet ferroviaire prévoit deux choses. D’un côté, «les opérateurs ferroviaires qui souhaitent exercer leurs activités dans plus d’un Etat membre pourront introduire leurs demandes auprès de l’Agence ferroviaire européenne, au lieu de devoir le faire auprès des autorités de plusieurs pays de l’UE comme c’est le cas aujourd’hui.» D’autre part, «les opérateurs et les fabricants qui souhaitent opérer dans un seul Etat membre pourront décider de soumettre les demandes requises auprès des autorités de l’Etat membre concerné ou auprès de l’Agence ferroviaire européenne». Dans le cas présent, l’incertitude qui entoure les relations Suisse-UE semble avoir fait pencher la balance vers la seconde solution.

«Nous partons du principe que nos trains seront autorisés sur le tronçon italien à partir de l’été 2023» STEFAN LOCHER, BLS

Le BLS fait ainsi, pour un tronçon d’une petite quarantaine de kilomètres, les frais des divergences qui subsistent entre la Suisse et l’UE. Au changement d’horaire, les passagers se rendant outre-Simplon devront changer de train à Brigue. BLS fera en effet circuler les trains MIKA seulement jusqu’à la gare haut-valaisanne et d’anciennes rames de 190 places assises prendront le relais pour franchir le tunnel du Simplon, précise Stefan Locher. «Dès que nous aurons reçu les autorisations nécessaires, les MIKA rouleront jusqu’à Domodossola», assure-t-il. Et ce sera quand? «Nous partons du principe que nos trains seront autorisés sur le tronçon italien à partir de l’été 2023.»

La fréquentation étant appelée à augmenter sur cet axe, BLS compte bien développer son offre. «Il est important pour nous de proposer davantage de capacité sur cette ligne. Dans l’immédiat, et dans l’attente de la mise en service des rames MIKA, nous comptons faire circuler entre Brigue et Domodossola trois rames accrochées l’une à l’autre aux heures de pointe. Cela aura aussi un effet positif sur le samedi», ajoute-t-il.

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