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Meurtre de Sara: «Elle voulait rompre avec lui»

Le procès de l’assassin présumé de la jeune Afghane de 17 ans s’est poursuivi hier devant le Tribunal criminel de la Broye et du Nord vaudois à Yverdon-les-Bains. La cour a tenté de décortiquer la relation compliquée de Sara et de l’accusé, que la famille

YAN PAUCHARD @yanpauchard

Il y a encore eu beaucoup d’émotion, mais aussi des larmes versées, hier, pour le deuxième jour du procès de l’assassin présumé de Sara, jeune Afghane de 17 ans étranglée le 27 décembre 2019 à Yverdon-les-Bains. Une journée principalement consacrée à l’audition de la famille de la victime, soit sa mère, ainsi que son frère et ses deux soeurs, les liens avec le père demeuré en Afghanistan étant coupés. «J’étais venue en Suisse, non pas pour l’argent, mais pour mettre mes enfants en sécurité. Et là, ma fille est tuée. C’est comme si on m’avait coupé une partie du corps», a confié les yeux embués la maman de Sara. Aujourd’hui encore, elle laisse à l’entrée une paire de chaussures de sa fille, au milieu de celles de ses autres enfants, comme si elle allait revenir.

Hier, le Tribunal criminel de la Broye et du Nord vaudois a tenté de décortiquer l’histoire compliquée entre les deux jeunes Afghans. Une histoire tragique qui s’est terminée un après-midi de décembre 2019 où l’accusé, au cours d’une promenade, aurait étranglé Sara à mort à l’aide de lacets de chaussures, avant de cacher son corps dans les marais entre Yverdonles-Bains et Grandson. «Elle était soûlée par cette relation. Elle voulait rompre et le lui avait annoncé la veille par téléphone. Il avait proposé de la voir une dernière fois pour lui offrir un cadeau», a raconté la soeur de la victime devant la cour.

«Il buvait, prenait de la drogue»

Sara et l’accusé s’étaient rencontrés pour la première fois lors de la fête de Noël 2015 organisée par le centre EVAM (Etablissement vaudois d’accueil des migrants) de Sainte-Croix. Le prévenu reconnaît ce soir-là «un jeu de regards» entre eux. Il a 15 ans; elle vient de fêter ses 13 ans. La famille de celle-ci n’approuve pas. «Je n’acceptais pas, confirme la mère. Aucune maman n’accepte que sa fille de 13 ans sorte avec un garçon plus âgé.» «Il buvait, prenait de la drogue et parlait à d’autres filles, ce n’est pas le genre de garçon que nous voulions pour Sara», a ajouté son frère. La différence d’ethnie entre les deux jeunes gens aurait également joué un rôle.

Pour le prévenu, c’est Sara qui a insisté pour être avec lui. «Malgré tout, elle m’aimait. Elle avait des sentiments pour moi», a-t-il expliqué. Difficile pourtant d’y voir clair dans cette trajectoire ponctuée de menaces et de soupçons de violence, tant les versions se sont contredites dans une audience tendue, rallongée par des difficultés de traduction et se perdant dans les détails du dossier d’enquête. Au cours des débats ont également été évoqués des moments douloureux, Sara ayant dû en 2017 être placée en foyer après s’être scarifiée avec un rasoir. Un épisode flou durant lequel l’accusé assure avoir vu la mère de Sara tenter d’étrangler sa fille avec une ceinture. Des faits que celle-ci conteste vigoureusement. Devant les questions de l’avocat du prévenu au sujet de la prétendue violence de la mère, le président du tribunal, Donovan Tésaury, a rappelé qu’on ne «faisait pas ici le procès de la maman de Sara».

«Il voulait se marier avec cette fille»

Le témoignage de la mère de la famille d’accueil qui avait hébergé le prévenu durant neuf mois en 2017, dans le cadre d’un programme EVAM, a permis de prendre un peu de recul. Elle a parlé de cette relation que le ressortissant afghan vivait en cachette: «Je pense qu’il était très amoureux, qu’il voulait se marier avec cette fille. Je lui ai alors dit qu’il était encore jeune et que c’était un premier amour. Mais il était convaincu qu’il s’agissait de la bonne, pour toujours.» Elle décrit un jeune homme respectueux, calme et discret. «Sur la fin du séjour, c’était compliqué, il avait des problèmes de santé, une dépression, et je ne pouvais pas gérer», a poursuivi la témoin, ajoutant «je ne savais jamais si ce qu’il me racontait était la vérité. Souvent j’avais l’impression qu’il disait les choses que je voulais entendre».

«Je ne savais jamais si ce qu’il me racontait était la vérité. Souvent j’avais l’impression qu’il disait les choses que je voulais entendre» LA MÈRE DE LA FAMILLE D’ACCUEIL DE L’ACCUSÉ

Au terme de la journée, l’accusé a une nouvelle fois clamé son innocence: «Quand j’ai quitté Sara, elle était vivante. Je l’ai vue partir. La suite, je ne sais pas. Je m’en veux de ne pas être resté avec elle.» Alors que la procureure Claudia Correia lui signale que l’itinéraire qu’il a décrit pour ce jour-là ne correspond pas à celui du rapport de géolocalisation de son téléphone portable, il a juste répondu: «Je ne sais pas.» Le procès se poursuit aujourd’hui avec le réquisitoire et les plaidoiries.

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2022-12-07T08:00:00.0000000Z

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