Le Temps epaper

«Je ne crois pas à la fin de la police des moeurs»

Elle était l’amie et la voisine de la jeune Mahsa Amini dont l’assassinat a soulevé l’Iran. Nishtman*, une jeune activiste kurde, témoigne de la mobilisation en cours à Saqqez, ville d’origine de Mahsa Amini

*Prénom d’emprunt C. P.

«Aujourd'hui, toutes les villes kurdes d'Iran sont en grève. Tout est fermé. Dans le reste du pays, je ne suis pas sûre, mais je vois sur la chaîne indépendante d'informations Iran International que beaucoup suivent le mouvement. Dans le Kurdistan iranien, la situation est terrible. Nous manquons de beaucoup de choses et notamment de médicaments, presque plus rien n'est envoyé dans notre région. Ces derniers jours, pour soigner une simple maladie ou un rhume, il faut dépenser des sommes énormes. Les couches les plus pauvres de la société se retrouvent dans une situation très compliquée et le reste de la population est fatigué.

Malgré tout ça, nous n'abandonnerons pas notre combat contre ce gouvernement. Les femmes et les filles sont incroyables, elles n'ont plus peur de rien. Certaines sont prêtes à sacrifier leur vie. Les seules craintes que nous avons sont le viol et autres agressions sexuelles que nous risquons lorsque nous sommes arrêtées ou jetées en prison. Nous savons que cela arrive, certains ont même été filmés et les autorités nous menacent. Mais ce risque nous pousse à être plus audacieuses que jamais sur le champ de bataille pour notre liberté.

«Cela ne nous rendra pas Mahsa»

Les massacres qui ont lieu dans le Balouchistan ou la répression qui sévit au Kurdistan n'existent pas ailleurs en Iran. Beaucoup de Kurdes sont arrêtés et tués. Je ne crois pas à la dissolution du gasht-e ershad (la police des moeurs). Cette annonce vise à tromper l'esprit du peuple iranien et de la communauté internationale afin qu'ils détournent leurs regards des évènements en Iran et de ces trois jours de grève. Demain [ce mercredi, ndlr], ce sera la journée de mobilisation des étudiants et elle sera importante. Dissoudre cette police des moeurs n'atténuera pas ma peine ni celle d'aucun Kurde ou Iranien. Cela ne nous rendra pas Mahsa Amini et toutes les autres qu'ils ont tuées, battues ou violées. Aujourd'hui, chaque jour dans leurs prisons, ils torturent nos femmes et nos hommes parce qu'elles et ils ont voulu être libres.

Depuis deux semaines, mes awmis ne veulent plus que je rejoigne les manifestations car on m'a dit que j'étais recherchée par les autorités et ils ont peur que je sois emprisonnée. Alors, je coopère derrière le front, j'aide à l'organisation. Mais nous ne nous arrêterons pas avant d'avoir obtenu notre liberté et nos droits.»

International

fr-ch

2022-12-07T08:00:00.0000000Z

2022-12-07T08:00:00.0000000Z

https://letemps.pressreader.com/article/281578064694929

Le Temps SA