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A Berne, les jeux restent ouverts

Les quatre candidats au Conseil fédéral ont tous été entendus par les partis. La Jurassienne Elisabeth Baume-Schneider peut encore rêver à une élection, même si des partis comme l’UDC et le PLR rappellent l’importance de l’équilibre linguistique

DAVID HAEBERLI, PHILIPPE BOEGLIN, MICHEL GUILLAUME, BERNE VINCENT BOURQUIN @David_Haeberli @BoeglinP @mfguillaume @bourquvi

Un léger brouillard s’est emparé de la ville de Berne, mardi, en fin d’après-midi. En cette veille de double élection au Conseil fédéral, la majorité des partis ont tenté d’installer une même ambiance ouatée au Palais fédéral afin de brouiller les pistes. Les candidates socialistes et les candidats UDC? Les quatre sont éligibles, ont-ils promis devant la presse à l’issue d’une après-midi d’auditions, écartant officiellement le soutien à une candidature «sauvage». Derrière ce flou apparent, ces ultimes entretiens devant les partis représentés au parlement ont tout de même permis de dessiner des tendances. Tous les partis ont décidé de se réunir tôt mercredi matin, juste avant l’élection agendée à 8h, pour une ultime mise au point.

Face aux partis, les deux favoris ont assumé leur rôle: Albert Rösti (UDC) pour succéder à Ueli Maurer et Eva Herzog (PS) pour remplacer Simonetta Sommaruga. Mais les deux outsiders, Hans-Ueli Vogt (UDC) et Elisabeth Baume-Schneider (PS), n’ont pas démérité, même s’il leur sera difficile de créer la surprise.

Les vert’libéraux explicites

Commençons par les prétendantes socialistes. Le Parti vert’libéral (16 élus) a été le seul à exprimer une préférence nette. «Eva Herzog est la plus à même de normaliser les relations avec l’Union européenne», a déclaré Tiana Moser. La conseillère nationale zurichoise a précisé que la Bâloise était celle qui avait la meilleure compréhension de la place économique helvétique, «un élément important pour nous». Rien, par contre, sur le caractère écologiste des candidates.

Le président du groupe PLR, le Neuchâtelois Damien Cottier, a annoncé que son parti ne donnerait pas de consigne concernant les candidates socialistes. Toutefois, il a rappelé que le PLR était attaché à l’équilibre régional et linguistique et que si Elisabeth Baume-Schneider, jurassienne, était élue, cette situation ne pouvait durer que pour une courte période et que le PS devrait prendre ses responsabilités lors de la prochaine vacance. Traduire: Alain Berset devrait être prochainement remplacé par un Alémanique.

Autre sous-entendu: le Fribourgeois ne pourra pas rester encore des années en place si l’ancienne ministre jurassienne est élue mercredi. Au sein du groupe, les avis sont partagés. Certains considèrent que la citoyenne des Breuleux s’est montrée plus franche et plus accessible qu’Eva

Herzog. Même si son anglais laisse à désirer. D’autres ont considéré que la Bâloise avait accompli une meilleure prestation, qu’elle était plus claire. Aucun vote n’a été réalisé, mais selon plusieurs membres du PLR, la formation est plutôt divisée, avec un léger avantage pour Eva Herzog.

Ni nuance ni ouverture

Toujours concernant les socialistes, le groupe UDC laisse la liberté de vote à ses élus. Céline Amaudruz, vice-présidente: «Sans grande surprise, Eva Herzog et Elisabeth Baume-Schneider ont défendu leur programme, mais sans aucune nuance ni ouverture. L’accord-cadre avec l’Union européenne aurait été accepté tel quel, alors que d’autres socialistes émettaient des réserves. Il a été par conséquent compliqué pour notre groupe parlementaire de se déterminer pour une candidate. Nous avons donc décidé de respecter le ticket proposé par le PS, et ne voterons pas pour un candidat sauvage.»

Un indice plaide pour Eva Herzog: dans un communiqué de la semaine passée, l’UDC soulignait l’importance d’une répartition équilibrée des communautés linguistiques au Conseil fédéral (affirmation vaguement relativisée ce mardi par le chef du groupe Thomas Aeschi). Voilà qui ferait les affaires de la Bâloise, dont l’élection refléterait les proportions de la population, en maintenant un effectif de quatre ministres alémaniques, pour deux Romands et un Italophone. L’élection de la Jurassienne

Elisabeth Baume-Schneider créerait une majorité latine. Impensable pour de nombreux parlementaires, alémaniques évidemment, mais aussi latins. Cela dit, la Romande détient un bon atout devant l’UDC agrarienne: ses origines paysannes.

Le Centre s’est montré avare en informations explicites. Comme l’UDC, les ex-démocrates-chrétiens se limitent à déclarer les deux prétendantes socialistes éligibles, et s’engagent à ne pas puiser hors de ce ticket officiel. Selon certains centristes, la Bâloise Eva Herzog bénéficierait d’un avantage. Mais la course demeurerait relativement ouverte. Le groupe juge qu’une éventuelle majorité latine ne poserait pas problème au gouvernement «pendant une courte période». «L’article 175 de la Constitution garantit la représentation des minorités, et il ne s’agit pas d’appliquer une règle mathématique», explique Pirmin Bischof (SO), sénateur et vice-président du groupe.

«Risque pour le climat»

Passons aux candidats UDC. Le groupe des Vert·e·s n’a donné aucune consigne de vote après avoir auditionné Albert Rösti et HansUeli Vogt. «Tous deux représentent un risque pour le climat, la biodiversité et les droits humains», a déclaré la vice-présidente du groupe, Lisa Mazzone. Dans l’ensemble, les Vert·e·s ont été très déçus par la prestation des deux candidats, qui sont à l’exact opposé du spectre politique. Les Vert·e·s auront trois possibilités ce mercredi: voter pour l’un des deux candidats malgré tout, s’abstenir ou inscrire un autre nom, ce qui ferait baisser la majorité à atteindre.

Au PLR, au Parti socialiste, au Centre et chez les vert’libéraux, aucune consigne n’a été donnée concernant la succession d’Ueli Maurer. Au nom des derniers, Tiana Moser a affirmé que les voix se partageraient à égalité entre les deux candidats.

Les auditions sont un exercice périlleux, ainsi qu’en convenait Albert Rösti, très sollicité dans la salle des pas perdus du Conseil fédéral. «Il y a peu à gagner, mais beaucoup à perdre.» Durant quarante-cinq minutes, les candidats, après une brève présentation personnelle, subissent le feu roulant des questions, en allemand, en français et désormais souvent aussi en anglais.Le plus souriant des candidats était aussi le plus critiqué. Bien qu’il ait répété à maintes reprises qu’il était un politicien de milice comme les autres et qu’il était donc obligé de gagner aussi sa vie avec des mandats, Albert Rösti ne sera jamais parvenu à se départir de son image de «lobbyiste du pétrole».

«Il y a peu à gagner, mais beaucoup à perdre» LE CANDIDAT UDC ALBERT RÖSTI À LA SORTIE DES AUDITIONS

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2022-12-07T08:00:00.0000000Z

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