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Les exigences du PSG dévoilent un Qatar décomplexé

RÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

PAUL ACKERMANN t@paulac

On est passé de la séduction à la pression. La voix du Qatar au PSG, le président du club, Nasser al-Khelaïfi, a changé de ton depuis le début de la Coupe du monde. Celui qui nous avait habitués aux conférences de presse policées en costard cravate enchaîne désormais les interviews offensives voire agressives, vêtu de la dishdasha (ou thobe, la fameuse tenue traditionnelle blanche), comme il se doit à Doha. Entre deux matchs dans les gradins des nouveaux stades qataris, entouré de l’aristocratie du foot, il défend bec et ongles le bilan du Mondial organisé par son pays. Et, surtout, il s’en prend sans ménagement à la mairie de Paris, ce qu’il n’avait jamais fait depuis le rachat du club par le fonds d’investissement qatarien QSI en 2011.

Objet du litige: QSI veut racheter le Parc des Princes, le stade du Paris SaintGermain dans le XVIe arrondissement de la capitale française. Les propriétaires du club auraient investi 80 millions d’euros dans ce monument classé qui appartient à la ville. Ils exigent désormais de pouvoir l’acquérir pour accélérer son agrandissement et investir davantage. Mais le prix proposé par la mairie serait dix fois supérieur à celui que les Qataris estiment juste. Ils menacent donc de quitter Paris pour le Stade de France, à Saint-Denis, ou une autre enceinte qu’ils construiraient en lointaine banlieue. Ce qui constituerait un véritable drame pour les fans du PSG et un camouflet pour les autorités municipales.

Son offensive, Nasser al-Khelaïfi ne l’a même pas commencée dans les médias français. Le 21 novembre, il ouvrait le bal en annonçant à une radio anglaise vouloir vendre des parts du PSG. Puis, après de premières allusions chez Bloomberg, c’est dans le quotidien sportif espagnol Marca qu’il a véritablement lâché les chiens le 29 novembre en affirmant que les Qataris et leur PSG n’étaient «plus les bienvenus au Parc des Princes». «Ils jouent avec nous et nous sommes fatigués», lâchait celui qui est aussi patron des chaînes de sport BeIn. Finalement, ce week-end, il a daigné s’adresser à L’Equipe, et a encore haussé le ton. «S’ils ne veulent pas accepter notre offre, on part», lance ce membre du comité d’organisation du Mondial. «S’ils sont raisonnables, on restera…» Du jamais vu dans les termes utilisés pour s’adresser aux autorités françaises.

La mairie se défend comme elle peut, mais sans le soutien d’Emmanuel Macron, qui ne porte pas Anne Hidalgo dans son coeur et qui est trop occupé à caresser le Qatar dans le sens du poil, notamment pour son gaz. Car, maintenant que l’émirat a eu sa Coupe du monde, peut-être obtenue avec l’aide de la France en échange du rachat du PSG, comme le suspecte la justice française, le Qatar semble penser qu’il peut profiter pleinement de son influence énergétique et de son statut chèrement acquis. D’autant que ce Mondial se fait avec finalement assez peu de boycott et les polémiques sur les victimes des chantiers et les droits humains ont peu dépassé les frontières de certains milieux occidentaux dont on a peutêtre surestimé l’influence. Même les supporters français sur place retournent leur veste et tressent désormais les lauriers du pays hôte selon Le Monde. De quoi doper l’assurance du Qatar quant à l’ampleur de ses moyens de pression sur une Europe en manque de gaz russe.

Et la France n’est pas la seule à subir ce boost de confiance en soi. Le Financial Times révélait le 25 novembre que le Qatar menaçait de revoir l’ampleur de ses investissements londoniens à la suite de critiques qui lui ont déplu. Par ailleurs, comme l’a montré notre envoyé spécial à Doha, le Qatar devient grâce à cette Coupe du monde un pôle fédérateur du monde arabe. Il n’est plus l’émirat ostracisé qui cherchait de l’influence ailleurs dans le monde, il devient le pays qui a réussi à organiser un Mondial flamboyant dont la région est fière.

Plus fort encore, le sport semble donner raison aux milliardaires de l’émirat (si on oublie l’élimination peu glorieuse mais assez logique de la sélection locale). Depuis que le football occupe les esprits, faisant passer les polémiques sur les droits humains au second plan, c’est bien le trio parisiano-qatari Messi-MbappéNeymar qui domine les débats. Pendant ce temps, les médias et supporters locaux peuvent se moquer ouvertement du geste de solidarité LGBT de la sélection allemande renvoyée chez elle dès le premier tour.

Débats

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2022-12-07T08:00:00.0000000Z

2022-12-07T08:00:00.0000000Z

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