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Pharoah Sanders, un souffle puissant s’est tu

Disciple éperdu de John Coltrane et figure majeure du jazz spirituel, le saxophoniste américain est mort samedi à l’âge de 81 ans

Il était l’une des figures les plus créatives du jazz. Sa quête de sens l’avait amené à creuser du côté des musiques africaines et orientales, et à explorer le saxophone jusqu’aux confins de son timbre. Pharoah Sanders s’est éteint samedi dernier chez lui, à Los Angeles, à l’âge vénérable de 81 ans.

Le natif de Little Rock, dans l’Arkansas, n’hésitait pas à malmener son outil de travail, usant des embouchures par centaines à force de les ronger, criant dans le pavillon de ses instruments ou les faisant vibrer sous la puissance de son souffle continu. On lui doit ainsi d’avoir élargi encore davantage les horizons du free-jazz, mouvement né à la fin des années 1950 qui a libéré les improvisations des contraintes harmoniques.

Farrell Sanders, rebaptisé à la scène Pharoah, est considéré comme l’un des héritiers du grand John Coltrane, mort prématurément en 1967, et dont il avait signé quelques solos agressifs dans le dernier album Live in Japan, sorti de manière posthume en 1973. Mais le disciple, qui jouait également de l’alto et du saxophone soprano, ne faisait pas l’unanimité et n’a jamais atteint la popularité de son maître ou d’Ornette Coleman, qui voyait pourtant en lui «probablement le meilleur joueur de saxophone ténor du monde».

Joyeux syncrétisme

Le son qu’il produisait, évoluant entre stridence et volupté, l’a pourtant consacré comme l’une des figures majeures du jazz spirituel. Ce courant, au sortir des Sixties, voulait rassembler les sociétés divisées par les tensions raciales, sociales et politiques sur une terre sonore où l’on prêcherait paix et bonheur pour tous dans un joyeux syncrétisme religieux. Son emblématique The Creator Has a Master Plan, morceau de près de 33 minutes tiré de son album Karma (1969), en est devenu l’un des hymnes: on l’y entend – et on l’y voit, les yeux quasiment révulsés – entrer dans une transe où il semble exorciser ses démons avant d’atteindre une forme d’extase.

«Je veux emmener les gens en voyage spirituel; je veux les bousculer, les stimuler. Puis les ramener sur terre, sereins», disait le musicien américain, reconnaissable entre tous avec sa longue barbiche devenue blanche et son fez.

Culture

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2022-09-26T07:00:00.0000000Z

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