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Ces prestations qui ne sont pas garanties

Souscrire une assurance maladie complémentaire ne garantit pas de pouvoir bénéficier des prestations promises. Les hôpitaux ne disposent pas toujours des infrastructures ou de la place nécessaire et il n’est pas rare que des patients en semi-privé ou priv

FANNY NOGHERO @FNoghero

Alors que la hausse des primes de l’assurance maladie de base, qui devrait se situer entre 6 et 8%, va être annoncée ce mardi 27 septembre, la question se pose pour nombre d’assurés de savoir s’ils vont conserver ou non leur assurance complémentaire, qui représente chaque année en Suisse un volume de plus de 3,7 milliards de francs. Une question d’autant plus légitime lorsque l’on constate qu’il n’est pas rare que les prestations censées être fournies dans ce cadre par les hôpitaux ne le sont pas.

Et contrairement aux idées reçues, les assurances complémentaires ne sont pas souscrites uniquement par les classes aisées, mais également par nombre de citoyens lambda, soucieux de leur santé et de leur prise en charge.

Semi-privée facturée pour des chambres communes

En décembre 2020 déjà, la Finma, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers, publiait un rapport accablant sur les pratiques des hôpitaux en la matière et exigeait des assureurs qu’ils vérifient les contrats avec les fournisseurs de prestations et les adaptent si nécessaire. «C’est à ces conditions uniquement que la Finma approuvera de nouveaux produits d’assurance complémentaire d’hospitalisation», assénait-elle.

Les négociations sont toujours en cours entre assurances et hôpitaux, mais les témoignages des patients ne manquent pas pour constater que les problèmes ne sont de loin pas réglés, aussi bien dans les établissements publics que privés. A l’instar de cette patiente sexagénaire fribourgeoise, assurée en semi-privé depuis une trentaine d’années et qui s’est retrouvée avec trois autres patientes dans sa chambre lors d’une hospitalisation cet été à Payerne.

Autre exemple dans une clinique privée lausannoise, où une patiente ayant payé une prestation en chambre individuelle s’est initialement vu attribuer une chambre avec une autre patiente. Sans parler de tous ces patients semi-privés qui partagent leur chambre et autres prestations hôtelières avec un patient au bénéfice d’une assurance de base.

«Certains hôpitaux ne proposent que des chambres à deux lits, mais un supplément de prix par rapport à l’AOS (assurance obligatoire des soins) est quand même exigé des patients assurés en division semi-privée pour le service «chambre à deux lits», relevait la Finma dans son rapport, rappelant au passage que la surveillance de l’assurance maladie complémentaire a pour but de protéger les assurés des primes abusives et des inégalités de traitement. Elle dénonçait également une surfacturation pour les assurés au bénéfice d’un produit complémentaire: «Il y a des indices laissant penser que dans certains cas, les coûts d’hôtellerie facturés dans les hôpitaux dépassent systématiquement les coûts réels.»

«Les hôpitaux ne sont pas tenus légalement de fournir les prestations proposées par les assurances maladie complémentaires. Cela relève des contrats passés entre les établissements hospitaliers et les assurances», précise Baptiste Hurni, conseiller national socialiste et président de la Fédération suisse des patients. «Nous avons eu des plaintes de patients en ce sens, mais nous pouvons difficilement agir, nous arrivons souvent comme la grêle après la vendange. Et il en va de la responsabilité des assurances de négocier les produits et les prix.» Un argument que partage Yannis Papadaniel, responsable santé à la Fédération romande des consommateurs. «Il est du devoir de l’assureur de garantir que la disponibilité des prestations soit adaptée au nombre d’assurés ayant opté pour ses modèles.» Et le responsable santé de souhaiter que les services et leurs normes soient mieux précisés dans les conventions que les assureurs sont en train de négocier avec les fournisseurs de prestations.

Une situation qui agace également fortement le corps médical. Au sein d’une clinique privée vaudoise, la grogne est palpable. «Il n’est pas rare que nos patients privés ne puissent pas bénéficier des offres hôtelières pour lesquelles ils ont payé des primes élevées depuis des années, et ils se tournent vers d’autres établissements. Nous perdons ainsi une partie de notre patientèle», souligne un anesthésiste, qui préfère garder l’anonymat. Le personnel soignant souffre aussi de ce problème, puisque c’est lui qui est en première ligne pour gérer le mécontentement légitime des patients concernés.

Les assureurs en appellent à la vigilance des patients

Mais parfois ce sont des événements indépendants de leur volonté qui empêchent les hôpitaux de tenir leurs engagements, comme l’explique Thierry Charmillot, directeur de l’Hôpital du Jura. «Dans certaines situations très particulières, nous ne pouvons pas garantir des chambres individuelles aux assurés privés, notamment lors de périodes d’épidémie de grippe ou de covid qui nécessitent des lits d’isolement et diminuent notre capacité.»

Du côté de Santésuisse, principale faîtière des assureurs maladie, on appelle les patients à la rescousse. «Les assureurs maladie disposent de procédures systématiques pour contrôler la fourniture des prestations complémentaires convenues avec l’hôpital, via les factures principalement, note Christophe Kaempf, porte-parole de Santésuisse. Toutefois, comme tout n’est pas visible sur la facture, il nous faut aussi l’aide des patients: eux seuls savent quelles prestations leur ont effectivement été fournies lors de leur séjour hospitalier.»

Et Christophe Kaempf de préciser que si un hôpital n’assure pas une prestation garantie par le contrat, il ne peut pas facturer la totalité des coûts et le montant de la facture diminue donc. Néanmoins, l’assuré ne se voit pas proposer de ristourne sur les primes qu’il a payées en vain au cours des années pour avoir accès à cette prestation.

«Lors de son admission à l’hôpital, le patient doit être informé des prestations supplémentaires auxquelles il peut s’attendre de la part de l’hôpital. Si l’offre ne correspond pas aux attentes, il lui est possible de choisir un autre hôpital», conclut le représentant de Santésuisse. ■

«Les hôpitaux ne sont pas tenus légalement de fournir les prestations proposées par les assurances maladie complémentaires»

BAPTISTE HURNI, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION SUISSE DES PATIENTS

Economie

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2022-09-26T07:00:00.0000000Z

2022-09-26T07:00:00.0000000Z

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