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La longue route des banques vers la durabilité

Un an après le lancement d’une initiative des instituts de gestion pour la durabilité, un premier bilan montre que les participants se sont engagés à mettre en place 12 mesures, mais que ces dernières sont encore souvent à l’état de projet

SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Un an après le lancement d’une initiative des banques de gestion suisses pour la mise en place de pratiques durables, un bilan montre que les mesures nécessaires sont encore souvent à l’état de projet.

Où en sont véritablement les banques de gestion suisses en matière de finance durable? En septembre 2021, une association du secteur avait lancé une initiative pour encourager ses membres à adopter des pratiques durables. Un an plus tard, un premier bilan montre qu’ils sont plus avancés dans la signature de textes internationaux favorables à l’ESG que dans le calcul de la part durable des portefeuilles de leurs clients.

«Quelle proportion des avoirs de vos clients est gérée de manière durable?» «Comment évolue ce chiffre?» Ce sont quelques-unes des questions auxquelles on aurait aimé trouver des réponses dans ce bilan diffusé mercredi passé. Mais ce n’est pas l’objectif de cette initiative, qui veut surtout «lancer les banques sur un voyage vers la durabilité, avec beaucoup de collaborations et d’échanges de bonnes pratiques; à ce titre, la première année a été très constructive. Ce qui compte, c’est la trajectoire de transformation des processus d’investissement vers des critères de durabilité», selon Philipp Rickenbacher, patron de Julius Bär et président de l’Association de banques suisses de gestion, l’un des deux groupes à l’origine de ce projet.

Impossible de quantifier la part du durable

De toute façon, il est toujours difficile de calculer la part des avoirs qu’une banque gérerait de manière durable, poursuit Grégoire Bordier, président de l’Association de banques privées suisses, aussi impliquée. «Les banques utilisent différentes méthodes, ce qui complique la comparaison, et l’absence de standard international uniforme dans ce domaine fait que l’on ne peut pas pour le moment calculer un pourcentage précis reflétant le montant des avoirssous gestion considérés comme durables. Ce qui compte est le mouvement qui a été lancé», détaille l’associé senior de la banque genevoise qui porte son nom.

Ce mouvement, justement, repose sur 12 mesures flexibles et volontaires que les 23 banques participantes appliquent déjà ou sont en train de mettre en place ou prévoient de mettre en oeuvre. Représentant collectivement 2200 milliards de francs d’avoirs, les participants comprennent de grands établissements comme Pictet, Julius Bär, Lombard Odier ou l’UBP, mais aussi de plus petits acteurs de la gestion de fortune comme le neuchâtelois Bonhôte, le lucernois Reichmuth, ou encore CornerBank.

Parmi les mesures sur lesquelles les banques de gestion sont les plus avancées, on trouve la signature des Principes d’investissement responsable des Nations unies (PRI), qui incitent les intermédiaires financiers à prendre en compte les questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) dans leur gestion. Les signataires de ces PRI représentent 80% des avoirs gérés par les 23 banques participantes, une proportion qui dépasse 90% lorsqu’on ajoute celles qui ont prévu de le faire.

L’engagement de publier des informations liées au durable en suivant les recommandations de la TCFD, la task force du G20 qui s’occupe des données ESG que les entreprises doivent fournir aux investisseurs, est déjà une réalité pour des banques représentant plus de 60% des avoirs des 23 participants. Enfin, des établissements représentant plus de 50% des avoirs se sont déjà engagés à accroître la part des actifs gérés de manière durable (et même 90% quand on ajoute ceux qui mettent actuellement ce principe en vigueur ou ont prévu de le faire).

Transparence et intégration des facteurs ESG à améliorer

Elément frappant de ce bilan après un an, des établissements représentant collectivement 10% des avoirs des participants affirment mettre en oeuvre aujourd’hui pour leurs clients «une plus grande transparence quant à la part durable de leur portefeuille» selon la taxonomie verte définie par l’Union européenne. Cette mesure est en cours d’implémentation chez la majeure partie des sondés.

La raison de ce chiffre très bas: «Pour pouvoir répondre que cette mesure est mise en oeuvre, les établissements participants devaient être capables de fournir cette transparence sur la totalité des outils qu’ils utilisent pour leur gestion, reprend Grégoire Bordier. C’est le cas pour les actions et l’obligataire, mais déterminer les caractéristiques durables de produits dérivés ou de fonds de tiers est plus complexe; tous les participants ne sont pas en mesure de l’effectuer aujourd’hui.» En outre, poursuit le banquier, «les contours de la taxonomieeuropéenne [sur laquelle les banques doivent s’appuyer pour assurer cette transparence à leurs clients, ndlr], ne sont connus que depuis la fin 2021».

Réduction des gaz à effet de serre prévue

Par ailleurs, une très faible minorité des participants (représentant aussi 10% des avoirs) déclarent déjà intégrer des facteurs ESG dans leur processus de recherche, de conseil et d’investissement. Or l’intégration de tels critères constitue la forme la plus basique de la finance durable, et la plus floue aussi. Cette proportion approche néanmoins 100% lorsqu’on y ajoute les banques qui sont en cours de mise en oeuvre de cette recommandation.

Enfin, la réduction de leurs propres émissions de gaz à effet de serre reste un projet en cours d’implémentation pour les banques participant à cette initiative. Des établissements représentant moins de la moitié des avoirs de l’échantillon sont en train de définir une trajectoire pour atteindre l’objectif net zéro d’ici à 2050. Ceux qui travaillent sur la définition d’un chemin vers une baisse de 50% des gaz à effet de serre produits par leur trésorerie et leurs opérations propres d’ici à 2030 représentent un peu moins de 30% des actifs des 23 banques participantes. Dans les deux cas, une partie importante des sondés ont prévu d’appliquer ces deux mesures à l’avenir.

«Ce qui compte est le mouvement qui a été lancé»

GRÉGOIRE BORDIER, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DE BANQUES PRIVÉES SUISSES

Lundi Finance

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2022-09-26T07:00:00.0000000Z

2022-09-26T07:00:00.0000000Z

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