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Un nouvel échec qui augure mal la prochaine réforme fiscale

L’impôt anticipé est maintenu par les Suisses. Les réformes fiscales ont un long historique d’insuccès alors qu’un vote crucial se profile l’année prochaine

DAVID HAEBERLI @David_Haeberli

Les Suisses ne veulent pas abolir l’impôt anticipé. L’objet a été disputé, mais au final, 52% des votants ont préféré le statu quo. La retenue de 35% sur les revenus générés notamment par le marché des obligations continuera donc d’être appliquée; un taux qui rend la place financière helvétique plus onéreuse que ses concurrentes.

L’objet soumis au vote était compliqué, comme souvent lorsque l’on parle de fiscalité. «La situation tendue née du retour de l’inflation, la perspective d’augmentation des primes maladie ont rendu plus difficile encore la défense de cette mesure», résume Fabio Regazzi, conseiller national tessinois du Centre et président de l’Union suisse des arts et métiers (USAM).

Le conseiller national socialiste vaudois Samuel Bendahan tire une leçon de la victoire du non, qu’il défendait: «La population est prête à soutenir des réformes fiscales à condition qu’elles règlent des problèmes et qu’elles profitent à la classe moyenne et aux petits revenus. Les mesures imposées sans discussion et qui font des cadeaux aux riches, elle n’en veut pas!»

«Une campagne de matraquage»

En matière fiscale, le tableau de chasse de la gauche est fourni: la population l’a suivie en 2017 dans son refus de la réforme de l’imposition des entreprises, troisième version (RIE3); en 2020, dans le non à l’augmentation des déductions pour enfants dans le cadre de l’impôt fédéral direct, et en février de cette année, c’est le droit de timbre que les votants avaient refusé d’ajourner. Conseiller fédéral chargé des Finances depuis 2016, Ueli Maurer peine décidément à réformer la fiscalité helvétique.

«Cette frilosité dessine une perspective inquiétante, relance Fabio Regazzi. Les blocages sont systématiques, même une petite réforme, avec un impact moindre sur les finances fédérales, est refusée. Or, nous en avons besoin car nous connaissons un problème de compétitivité grandissant qui se répercutera à terme sur la classe moyenne.»

Dans cette série noire pour la droite, Vincent Maitre, conseiller national genevois du Centre, regrette qu’il suffise désormais à la gauche de mener «une campagne de matraquage» en répétant que toute mesure fiscale s’apparente à un «cadeau aux riches» pour l’emporter. Or, assuret-il, «chasser les riches n’a jamais amélioré le sort des pauvres».

Un vote fait exception. Le peuple avait en effet accepté, en mai 2019, ce que le Genevois définit comme «la réforme largement la plus importante de toutes», à savoir la RFFA (Réforme fiscale et du financement de l’AVS).

Gauche et droite seraient bien inspirées de tirer les leçons de cette votation cardinale qui avait permis à une réforme fiscale d’éviter le cimetière. En juin 2023, les Suisses seront en effet appelés à se prononcer sur la création d’une nouvelle taxe. Si le non devait l’emporter, «ce serait une catastrophe», convient Samuel Bendahan. Cette mesure est imposée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), déterminée à imposer un plancher fiscal de 15% aux grands groupes actifs dans ses pays membres.

Un «millefeuille fiscal» qui augmente

Le résultat du jour représente «une bonne chose» dans la perspective de la réforme de l’OCDE, promet Samuel Bendahan. Selon le Vaudois, cela doit inciter les partis à «mieux travailler ensemble» pour faire en sorte que le fruit de cette taxe «profite aux gens». «Nous sommes prêts à la discussion mais nous ne voulons pas que cet argent soit redonné aux multinationales», prévient-il. Les services du Ministère fédéral des finances parlent de 2 milliards de francs.

Tout n’est en effet pas encore décidé concernant cet impôt, qui visera uniquement les multinationales. La discussion reste ouverte concernant la répartition des recettes. Le Conseil fédéral a proposé un système qui les redirige à 75% vers les cantons et à 25% vers la Confédération. Parmi les cantons, ceux qui abritent des multinationales seraient privilégiés. Le Parti socialiste, souligne Samuel Bendahan, privilégie soit un retour total vers la Confédération, soit une redistribution aux cantons en fonction de leur population.

«Cette frilosité dessine une perspective inquiétante. Les blocages sont systématiques, même une petite réforme est refusée»

FABIO REGAZZI, CONSEILLER NATIONAL DU CENTRE ET PRÉSIDENT DE L’USAM

Cette taxe, résume Vincent Maitre, représentera une perte d’attractivité pour la Suisse, «qui risque de basculer dans une situation rédhibitoire». Selon lui, le pays cultive des «impôts spécifiques», comme la taxe professionnelle en ville de Genève. «Notre millefeuille fiscal ne cesse d’augmenter, alors que les autres pays l’allègent», conclut le conseiller national, inquiet, pour lequel «on s’ingénie à saborder ce qui a fait la prospérité du pays».

Votations Fédérales

fr-ch

2022-09-26T07:00:00.0000000Z

2022-09-26T07:00:00.0000000Z

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