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Assurance dentaire: un échec

Après Vaud et Genève, Neuchâtel a sans surprise refusé la création d’une assurance obligatoire dans le domaine des soins buccodentaires. Toutes les parties s’accordent toutefois sur le fait que des mesures doivent être prises pour améliorer la prévention

ALEXANDRE STEINER @alexanstein

Le canton ne sera pas le premier de Suisse à avoir une assurance dentaire obligatoire, qui aurait pris en charge les soins de base et les contrôles périodiques. La population a refusé à 63,2% dimanche l’initiative cantonale soutenue par la gauche.

Dimanche, un premier canton suisse aurait pu se doter d'une assurance dentaire de base obligatoire. Mais après Vaud en 2018 et Genève l'année suivante, Neuchâtel vient de rejeter à 63,2% une initiative en la matière (participation: 41,3%). Un «non» exprimé sur l'ensemble du territoire cantonal, sans distinction. A La Chaux-de-Fonds, commune qui a apporté le plus grand soutien au texte, le «oui» n'a pas dépassé 45%.

Soutenue par la gauche, les syndicats et diverses associations, cette initiative visait à garantir qu'aucun habitant du canton ne se voie privé de soins buccodentaires, faute de moyens. Son financement aurait été assuré par un prélèvement maximal de 1% sur la masse salariale cantonale, partagé entre employés et employeurs, ainsi qu'une contribution des collectivités publiques. Opposés, la droite, les associations économiques et les dentistes la jugeaient trop complexe et coûteuse à mettre en oeuvre, tout comme le Conseil d'Etat.

Un résultat attendu

Ce résultat ne constitue pas une surprise, même pour les défenseurs de l'initiative. «Nous savions que ce serait un vote très difficile, ce d'autant plus dans un contexte de baisse du pouvoir d'achat et de hausse des primes maladie. Malgré cela, plus d'un tiers de la population a fait savoir dimanche qu'elle se sent concernée», réagit le conseiller national socialiste neuchâtelois Baptiste Hurni, membre du comité de soutien à l'initiative. Selon lui, le financement proposé «était très social, mais il a sans doute effrayé les employeurs et les employés, qui se sont dit que ça allait leur coûter cher.»

Egalement président de la section romande de la Fédération suisse des patients, Baptiste Hurni se réjouit toutefois que cette question ait été débattue. «Toutes les forces en présence ont reconnu que nous sommes face à un problème de santé publique important. Nous devons désormais travailler à améliorer la prévention et la prophylaxie.» Quant à la mise en place d'une assurance dentaire de base, il constate qu'il est difficile de régler cette question au niveau cantonal: «Le dossier devra être repris sur le plan fédéral lorsque l'opportunité de réformer la LAMal se présentera. Dans les projets à caractères sociaux, il faut toujours plusieurs tentatives pour parvenir au but.»

S'ils anticipaient aussi un rejet, les opposants à l'initiative s'attendaient à un résultat plus serré. «Le fait qu'aucune commune n'ait accepté la création de cette assurance montre qu'on ne peut pas indéfiniment ponctionner les salaires des personnes actives pour financer des politiques publiques. Il y avait un vrai enjeu stratégique pour l'attractivité économique neuchâteloise, et cela a pesé dans la balance», relève Quentin Di Meo, député PLR et membre de la Chambre neuchâteloise du commerce et de l'industrie.

«Une mauvaise solution à une vraie question»

Lui non plus n'entend pas se contenter du statu quo: «Nous avons combattu un système qui apportait une mauvaise solution à une vraie question.» Il rappelle que le PLR est déjà intervenu au Grand Conseil neuchâtelois pour demander qu'une analyse soit menée auprès de toutes les communes neuchâteloises afin de réaliser un inventaire des actions menées dans le domaine de la prévention. «Pour améliorer la situation, nous devons mener des actions ciblées.»

Soutien de poids aux opposants, les professionnels de la santé buccodentaire se réjouissent également du verdict des urnes. «Une majorité claire a exprimé sa confiance envers le système actuel», s'enthousiasme Marc-Emmanuel Grossen, membre de la section neuchâteloise de la Société suisse des médecins-dentistes (SSO). «Plusieurs chantiers sont en cours pour harmoniser les soins dans les homes et les dépistages scolaires et nous veillerons à ce qu'ils soient finalisés. La SSO mène aussi un projet pilote à Fribourg afin d'apporter des solutions aux personnes qui renoncent à des soins pour des raisons financières. L'idée étant de pouvoir le répliquer ailleurs», poursuit-il.

Le Conseil d'Etat entend, lui, continuer ces démarches. «Je suis évidemment très satisfait de ce résultat qui correspond à la position que défendait le gouvernement», commentait hier le ministre des Finances et de la Santé, le socialiste Laurent Kurth, en porte-à-faux avec son parti sur ce sujet. «Je retiens de la campagne qu'il s'agit d'une thématique très importante. Nous allons intensifier nos mesures de prévention dans la limite de nos compétences financières.» Selon un postulat du PLR validé en août 2021 par le Grand Conseil, cette limite s'établit à 700 000 francs par an.

«Nous savions que ce serait un vote très difficile, ce d’autant plus dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat et de hausse des primes» BAPTISTE HURNI, CONSEILLER NATIONAL (PS/NE)

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2022-09-26T07:00:00.0000000Z

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