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Quelles sont les lectures de vacances du réalisateur genevois Andreas Fontana?

Propos recueillis par Salomé Kiner

Cette semaine, le réalisateur genevois Andreas Fontana, à qui l’on doit «Azor», un premier long métrage très remarqué tourné en 2021, qui confronte un banquier privé à la dictature argentine

Blaise Cendrars, «L’Or», Ed. Folio, 182 pages

J’ai découvert Blaise Cendrars pendant le confinement. Normalement, Cendrars, on le lit dès l’école obligatoire, mais je n’étais pas un élève très appliqué. Heureusement, j’ai pu me le réapproprier et changer mon rapport à la lecture après l’école.

Chez Cendrars, j’ai trouvé quelque chose qui m’a beaucoup rassuré sur mon rapport à la Suisse. Je vois en lui une personnalité très anticonformiste, passionnée, anarchiste. Il est Suisse mais il a su partir très tôt, c’est un grand voyageur, un aventurier qui s’est toujours rebellé face à l’autorité, surtout l’autorité du petit monde littéraire.

Bien que je sois convaincu qu’on peut se construire sans modèles, en tant que Suisse, je me demande parfois qui sont les personnalités d’ici qui me fascinent, et j’en ai trouvé une chez Blaise Cendrars.

Joan Didion, «L’Amérique», Ed. Livre de Poche, 329 pages

C’est une journaliste américaine qui m’a parlé de ce livre pendant la promotion de mon film Azor. Sur le moment, j’ai cru ne pas connaître cet ouvrage, et pourtant, peu de temps après, je me suis rendu compte que je l’avais dans ma bibliothèque. La chronique, c’est une forme qui me plaît particulièrement. Je vous en parle sans l’avoir lu, mais je pense que je vais y trouver un écho au film Milestones de Robert Kramer que j’ai visionné récemment et que j’ai trouvé formidable. Joan Didion et Robert Kramer posent tous les deux leur regard sur les mêmes années, 1960-1970.

Il s’agit d’une époque très particulière aux Etats-Unis, celle où le pays, jusque-là très conservateur, explose littéralement dans son cadre en générant une énorme liberté et en même temps une énorme angoisse: le résultat est sidérant, avec d’un côté des espoirs naissants et de l’autre des gens qui sont en totale perdition. Et j’ai l’impression que Joan Didion réussit à capter ces contrastes avec une belle acuité.

Cristina Morales, «Lecture facile», traduction Margot Nguyen Béraud, Ed. Denoël, 480 pages

Cristina Morales est une autrice espagnole contemporaine extrêmement lue dans le monde hispanique. Elle a écrit quatre romans mais celui-ci est le seul à avoir été traduit en français. Je vais le lire en espagnol. C’est un ami qui m’a offert ce livre, un réalisateur avec qui je travaille en ce moment et que j’estime énormément. Il a ce côté «scout» de la nouveauté, il est toujours au courant des derniers noms à suivre, alors que moi je suis plus fainéant de ce point de vue. Donc je lui demande de me recommander des titres.

Celui-ci parle de la culture des squats et du monde féministe barcelonais. J’ai moi-même longtemps vécu dans des squats, à Genève, c’est un monde que je connais bien, qui m’intéresse comme territoire de travail et de recherche. Cela dit, ce n’est pas un monde très ouvert, voire difficile d’accès. Ce n’est même pas l’extrême gauche, c’est un petit univers à part, donc je ne sais pas si j’en ferais quoi que ce soit un jour, mais ce livre, je veux le lire pour pouvoir en discuter avec mon ami. En ce moment, plus que de travailler avec des grands noms du cinéma, je cherche à échanger avec des gens que j’aime et que j’estime intellectuellement, c’est vraiment ce qui me stimule.

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2022-08-13T07:00:00.0000000Z

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