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Peinture

A Tulln an der Donau, en Basse-Autriche, sur les traces des années de formation d’Egon Schiele

Isaure Hiace @isaurehiace

Dès l’arrivée à Tulln an der Donau, Egon Schiele est là: son visage s’affiche en grand sur les murs de la gare de cette petite ville danubienne, située à 35 km à l’ouest de Vienne. Et pour cause: c’est dans l’appartement situé au premier étage de la gare – aujourd’hui ouvert au public – que naît le futur peintre le 12 juin 1890, de l’union du chef de gare Adolf Schiele et de Marie Schiele. Egon est leur unique fils, il grandit avec ses soeurs Melanie et Gertrude, l’aînée, Elvira, étant décédée lorsqu’il avait 3 ans. Le garçon passera plus d’un tiers de sa vie dans ce spacieux appartement de fonction, resté en l’état, dans une famille prestigieuse, du moins en apparence.

En effet, le père, sans doute la personne la plus importante dans la vie du peintre, est un héros ambivalent, qui «promeut la fidélité et la bienséance mais qui, dans le même temps, va chez les prostituées, raconte Christian Bauer, historien de l’art et conservateur du Musée Schiele à Tulln. Schiele a certainement remarqué cette double morale parce qu’il regardait dans les recoins interdits. Et plus tard, il a fait de ces recoins interdits l’essence même de son art.» Le père contracte la syphilis et devient progressivement délirant, jusqu’à ne plus pouvoir exercer son métier, creusant encore davantage le fossé entre l’image d’une famille idéale et la réalité.

Un génie précoce

Egon Schiele a 15 ans lorsque son père meurt en 1905, mais il le sait depuis son plus jeune âge: il deviendra un grand artiste et il est temps pour lui de suivre son destin. Il entre à l’Académie des beaux-arts de Vienne l’année suivante, mais s’affranchira bien vite de cet enseignement strict, cherchant toujours plus de liberté, dans une quête qui le rapprochera de figures de la modernité viennoise, comme Gustav Klimt. Pour s’en rendre compte, il faut quitter la gare et se rendre au Musée Schiele, situé à une dizaine de minutes à pied. Une première salle expose ses oeuvres de jeunesse, créées entre 1906 et 1908. Tout Schiele est déjà là, à commencer par l’importance du «paysage», parfois sous-estimée dans son oeuvre.

«C’est un thème absolument central chez lui, explique Christian Bauer. Le paysage et la nature avaient pour lui une dimension religieuse, il y voyait quelque chose de spirituel. Chez Schiele, la nature, les arbres et les plantes s’animent et prennent une forme humaine, tout comme les maisons et les bâtiments. C’est pourquoi l’environnement dans lequel il a grandi, à Tulln, fut si important.» Le meilleur exemple est son tableau Tournesols, peint en 1908. «Ce Tournesols est une sorte de portrait. La fleur-mère meurt tandis que les trois autres, les jeunes, sont pleines de vigueur, elles fleurissent, le monde leur appartient. C’est quelque chose qui a une grande signification dans le monde pictural de Schiele. Il y a énormément de mères qui meurent et des enfants qui, eux, sont toujours vigoureux.» Un thème qui trouve son origine dans la difficile relation de Schiele avec sa propre mère qui, toute sa vie, resta pour lui une étrangère.

Des archives exceptionnelles

Une incompréhension fondamentale qui explique, en partie, ses relations futures avec les femmes. La plus marquante fut celle avec Wally Neuzil: il la rencontre en 1911 et durant quatre années – une période extrêmement riche pour l’artiste – elle sera son amante et son modèle. Il décide pourtant de la quitter en 1915 afin d’épouser Edith Harms, jeune femme de bonne famille qui vivait, avec sa soeur Adele, non loin de l’atelier viennois du peintre. Il est étonnant de constater qu’Egon Schiele, l’artiste qui a, par son art, brisé tous les tabous autour du corps, de l’érotisme et du désir féminin, ce qui lui valut même un séjour en prison, avait, dans sa vie, fait le choix d’une union conventionnelle.

Le musée permet d’éclairer cette dualité grâce, notamment, à des archives uniques. On les doit à l’historienne de l’art américaine Alessandra Comini. Elle est la première à s’être rendue, en 1963, sur les lieux fréquentés par Schiele en Basse-Autriche et a mené, durant ce voyage, plusieurs entretiens avec les soeurs de Schiele, Melanie et Gertrude, ainsi qu’avec sa belle-soeur, Adele Harms. On découvre au premier étage du musée les enregistrements sonores de ces témoignages exceptionnels, photos et documents à l’appui. Voici par exemple comment Melanie raconte la première rencontre entre Schiele et Gustav Klimt: «Je ne sais pas quel âge il avait, peut-être 17 ans. Il avait pris avec lui quelques-unes de ses oeuvres. Klimt dit alors: «Ah! Encore un de ces barbouilleurs.» Puis il lui a dit de s’approcher et lui a demandé ce qu’il voulait. Egon a répondu qu’il voulait seulement savoir s’il avait vraiment du talent ou non. Klimt a dit: «Voyons voir…» Il a regardé les oeuvres l’une après l’autre et n’a rien dit. Mon frère est devenu très nerveux, mais il voulait savoir ce que Klimt dirait: «S’il vous plaît, Herr Professor, ai-je du talent?» Klimt répondit alors: «Du talent? Vous avez beaucoup trop de talent! Beaucoup trop!»

Une part de mystère

Ces archives nous offrent une rare immersion dans l’intimité d’un génie, de son enfance à sa mort. Schiele décède le 31 octobre 1918, à seulement 28 ans, de la grippe espagnole, qui avait déjà emporté Edith trois jours auparavant. Un siècle plus tard, son ombre plane toujours dans les rues de Tulln. Car c’est bien les années passées dans cette petite ville qui influencèrent considérablement sa vie et son oeuvre. Mais avec Schiele, une part de mystère demeure, toujours: «Il a lui-même tout fait pour rester un mystère, conclut Christian Bauer. Il a évité de donner aux gens la clé pour comprendre ses oeuvres, car il savait que pour être grand, l’art doit s’accompagner de mystère. Il y a toujours chez lui plusieurs façons de comprendre ses oeuvres, c’est pourquoi elles restent ouvertes aux interprétations pour les siècles à venir.»

Autant dire que le voyage n’était pas bien long pour Tony Vaudan, habitant du val de Bagnes. Ce grand bricoleur a habilement dévié l’eau du bisse pour sa structure en métal à hélice et mécanique hydraulique, permettant d’actionner une poignée de main géante – comme un salut amical au début du sentier.

Les oeuvres suivantes se découvrent au rythme du promeneur – et de son petit bateau, un peu malmené par les remous de quelques rapides. A commencer par le Village ouvrier du Belge Alexandre Vignaud, petite colonie d’êtres des forêts en bois, pives et fil de fer s’adonnant sur la mousse à des activités de montagne – parapente, ski, chasse, rappel sur un tronc d’arbre… En manipulant les fils, on actionne la scie de ce menuisier miniature ou la balle de ces joueurs de tennis. Féerique.

C’est un village de montagne tout ce qu’il y a de plus typique: une petite station de ski, des chalets, une chapelle et 600 âmes perchées à 1000 m d’altitude. Un lieu charmant qui, à la suite de l’ouverture de la télécabine reliant directement le Châble aux pistes, sans passer par le centre, a pu s’engourdir voire s’effacer des cartes touristiques – dans l’ombre de son voisin d’en face, Verbier. Mais voilà que depuis quatre ans Bruson fourmille de nouveau de projets, depuis que le PALP en a fait son QG.

A l’origine pourtant, le festival a pour berceau Martigny, où il voit le jour en 2011. La délocalisation s’amorce lorsque le val de Bagnes invite l’équipe à investir ses hauteurs, où prendra racine la désormais mythique Rocklette (concerts de rock et raclette sur le barrage de Mauvoisin), tissant une relation étroite entre la commune et le festival. «Ils nous ont ensuite proposé de reprendre une exposition à Bruson, se souvient Sébastien Olesen. On a accepté, mais on voulait aller plus loin.»

C’est ainsi que naît le PALP Village. Contrairement aux festivités, le projet court toute l’année et vise à apporter «une nouvelle offre touristique et culturelle dans ce village de montagne, avec et pour ses habitants». Qui exprimeront un premier souhait: voir rouvrir l’épicerie locale. C’est chose faite: depuis deux ans, la Brusonette, tenue par le personnel du PALP, joue de nouveau son rôle de supérette – «un lieu social où les grands-mamans reviennent discuter, où on prend le pouls de la population et tisse un lien avec elle».

Outre ses bureaux, le PALP installe à Bruson ses artistes en résidence et reprend, main dans la main avec des entrepreneurs de la région, le bistrot du village – «pour qu’il reste dans les mains des gens de la vallée». L’établissement proposera dès l’automne des plats composés de produits du terroir et de saison à des prix abordables.

Le PALP Village, c’est aussi investir les espaces délaissés. Comme cette ancienne grange à foin, fraîchement transformée par les frères Chapuisat en bibliothèque à BD… labyrinthique. Entre les poutres d’origine, le duo a déployé ses sculptures en bois, mi-cabanes biscornues mi-dédale. Autant de cachettes où les enfants se nicheront, piochant parmi 500 albums (offerts par Payot, partenaire de l’opération), installés sur des coussins ou des hamacs cousus par des habitantes de la région.

Et ce n’est «que le début d’une grande histoire», se réjouit Sébastien Olesen – même si, glisse-t-il, les normes et autorisations dans ces zones montagneuses leur compliquent parfois la tâche. Il n’empêche: au sein du PALP Village, qui se veut autant un centre d’innovation qu’un laboratoire (une anthropologue en documente chaque expérience), on constate que l’alchimie prend déjà. Au point que d’autres communes valaisannes ont manifesté leur intérêt pour un coup de boost à la sauce PALP…

Drôle de pseudonyme que The Doug surtout lorsqu'on vit en Auvergne et que son vrai nom est Jules Garnier. Si ce jeune artiste l'a choisi, c'est un peu par hasard, parce qu'adolescent il aimait le prénom Douglas et se l'était même approprié pour ses cours d'anglais, où chacun des élèves se devait d'adopter un petit nom anglophone. Va donc pour The Doug! Cela sonne plutôt bien, avec un petit côté fanfaron qui rappelle The Dude, le personnage mythique du film culte The Big Lebowski.

The Doug of Massif Central a lui aussi la cool attitude avec sa moustache années 1970, son bridge (piercing qui transperce le haut du nez), son bonnet éternellement vissé sur sa tête et son survêtement fatigué. L'homme pose volontiers avec des animaux: un chien, un chat ou plus régulièrement un bouc. Avec son style résolument white trash, il pourrait être le héros de films de Harmony Korine ou de Bruno Dumont, un de ses cinéastes favoris. The Doug est bien dans l'air du temps, Jules Garnier le confirme: «Le but c'est de faire de la musique contemporaine dans sa musicalité, dans sa production, mais aussi dans les visuels. Un univers campagnard, un peu absurde, peuplé de gens avec des gueules cheloues et des paysages pas forcément magnifiques. Je suis un peu l'Eddy de Pretto version cambrousse.» The Doug a d'ailleurs assuré la première partie de plusieurs concerts du chanteur banlieusard, avec qui il partage un goût pour l'insolite.

L'art du décalage, Jules Garnier le cultive depuis toujours, tout comme la passion pour la chanson héritée de ses parents: Brassens, Brel, Barbara ont marqué son enfance mais aussi des groupes comme Louise Attaque ou Noir Désir. D'ailleurs, son timbre et le feu qui l'habite rappellent par instants celui de Bertrand Cantat. L'autre référence évidente est Alain Bashung, dans le phrasé et la tessiture vocale.

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