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L’Afrique à portée de caméra

E. S.

De mercredi à dimanche, Lausanne célèbre le cinéma africain. Pleins feux sur un univers en pleine explosion

Chaque année au mois d’août, les films africains se donnent rendez-vous sur la colline de Montbenon. Initié il y a seize ans par deux passionnés, Alain Bottarelli actif dans la distribution de films et le comédien sénégalais Boubacar Samb, ce rendez-vous a évolué presque aussi vite ces dernières années que la production de films du continent et de la diaspora… Pendant cinq jours, une soixantaine d’oeuvres réalisées par une nouvelle génération de cinéastes côtoient quelques classiques et des courts métrages à l’intérieur du Casino et en plein air le soir, au Théâtre de verdure. Rencontres, présentation de leurs oeuvres par les réalisateurs et soirées DJ, le Festival cinémas d’Afrique prône aussi un certain «art de vivre africain» et draine un public métissé.

Foi dans la vie

Ses particularités? Ne pas être un festival orienté compétition comme la plupart des autres manifestations du genre, et, par conséquent, proposer des films découverts via son appel à candidatures tout comme d’autres déjà sortis et remarqués au cours des deux dernières années. Une approche équitable qui met tous les réalisateurs au même niveau. Pas de prix, mais une rémunération pour chacun en droits d’auteur.

«Certains films ont été réalisés avec très peu de moyens, d’autres bénéficient d’une importante production. Cela n’aurait pas de sens de les mettre en compétition dans une même sélection», explique Francine Viret, coprésidente de l’association Afrique Cinémas qui organise le festival. Aux commandes de la programmation, un comité de sélection, une coordinatrice et, depuis quatre ans, un attaché artistique Alex Moussa Sawadogo, qui n’est autre que l’actuel délégué général du Fespaco, le plus grand festival de cinéma d’Afrique, basé au Burkina Faso. Alicia Mendy, jeune Sénégalo-Suisse, fait partie du comité de sélection. Elle est enthousiaste face à la variété des propositions reçues. «Il y a mille références, mille mentalités, mille tons et humours différents!» s’exclame l’étudiante en cinéma à la HEAD qui aimerait que le festival puisse proposer à l’avenir toujours plus de films à «l’imaginaire positif».

Ça tombe bien: la rétrospective consacrée à Moussa Sène Absa (voir interview ci-contre) démontre qu’un cinéma peut être engagé et empreint de joie, de merveilleux. Et quelques-uns des nouveaux auteurs ne sont pas en reste. I am Samuel, documentaire sur un couple homosexuel qui s’assume au Kenya, pays aux lois homophobes ou Neptune Frost film futuriste coréalisé par Saul Williams et Anisia Uzeyman, planté dans un décor de mine et de déchets électroniques, sont portés par une énergie puissante et une foi dans la vie, nonobstant un contexte difficile.

«Nous cherchons en même temps à montrer la dynamique et la créativité d’une nouvelle génération de cinéastes tout comme une autre image du continent africain», explique au téléphone Alex Moussa Sawadogo. «Avoir une caméra signifie avoir le pouvoir de parler, être la voix des sans-voix. C’est extrêmement important pour un continent qui dessine son chemin.»

Résilience créative

Mettant en avant le cinéma d’auteur, le festival est plus que conscient des difficultés économiques auxquelles sont confrontés les jeunes réalisateurs. «Il faut au minimum quatre ans pour faire un long métrage et rares sont ceux qui sont économiquement viables», reprend le réalisateur burkinabé. Les jeunes cinéastes pallient le manque de moyens financiers en créant des collectifs, le manque d’écoles en apprenant sur le tas ou en suivant des master class ou des formations ponctuelles et en dialoguant avec leurs pairs de la diaspora.

Un cinéma en forme de résilience créative qui se manifeste aussi par son appétence à être découvert par tous les moyens. Alors qu’ils ne trouvent peu ou pas leur chemin dans les salles, les films africains investissent désormais les plateformes numériques – Netflix, Mubi et IrokoTV (une structure nigériane essentiellement dédiée aux productions Nollywood) – et les festivals. Raison de plus de prendre le chemin de la colline de Montbenon dès mercredi.

■ Festival cinémas d’Afrique, Lausanne, du 17 au 21 août. cine-afrique.ch

Ouverture

fr-ch

2022-08-13T07:00:00.0000000Z

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