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La foudre embrase les forêts du Tessin

Avec le changement climatique, le nombre de feux de forêt causés par des éclairs ne cesse d’augmenter. La situation est particulièrement préoccupante au sud des Alpes

ANDRÉE-MARIE DUSSAULT, LOCARNO

Après la canicule, la nature s’est déchaînée au Tessin avec de violents orages à la fin de la semaine dernière. En Suisse, Lugano et le Malcantone sont les zones où les impacts de foudre sont les plus fréquents.

«L’éclair est le phénomène météorologique le plus dangereux, souvent mortel pour les êtres vivants», soutient Luca Nisi, météorologue à MétéoSuisse, ajoutant que chaque année des animaux de pâturage, parfois des troupeaux entiers, sont foudroyés. «Mais les incendies et les dommages à l’infrastructure sont plus courants.» D’ailleurs, ces dix dernières années, le Tessin a enregistré huit fois plus de sinistres causés par la foudre qu’ailleurs dans le pays, selon l’assureur Axa Suisse.

Les modèles climatologiques ne sont pas encore suffisamment développés pour prédire comment le changement climatique influence les orages, indique l’expert. On sait cependant que les vagues de chaleur estivales et les périodes de sécheresse sont appelées à être plus fréquentes. «Ces conditions sont moins favorables aux orages qui peinent à se développer avec de l’air chaud à haute altitude. Ils pourraient donc être moins nombreux.» Or, d’un autre côté, la température moyenne étant plus élevée, il y aura plus d’humidité dans l’air, donc plus d’énergie. Pour cette raison, on pourrait imaginer que le nombre d’orages pendant l’année augmentera. «Les incendies d’été seront en tout cas plus fréquents, s’amorçant plus facilement vu la sécheresse. En outre, dans ces conditions, les orages se caractérisent par beaucoup de vent et d’éclairs, et peu de pluie.

Des zones compliquées d’accès

Boris Pezzatti, de l’Institut fédéral de recherches sur la forêt (WSL), la neige et le paysage, rappelle qu’en Suisse la seule cause naturelle d’incendies, c’est les éclairs; près de la moitié des feux de forêt estivaux y sont dus lors des années plus sèches. «Au Tessin, les mois de juillet et août sont les plus propices pour ce type d’incendie, qui se développe souvent à partir de la base de conifères frappés par la foudre, où une litière d’aiguilles s’est accumulée au fil des ans.»

Ces feux sont souvent souterrains et leur identification peut être difficile les premiers jours, car la combustion est très lente au début, explique-t-il. «En Léventine, un forestier distinguait à peine un peu de fumée, c’est seulement au moment où sa semelle a fondu qu’ il s’est rendu compte qu’il y avait un feu.» Ils se produisent surtout au-dessus de 1000 mètres d’altitude, dans des zones exposées, rocheuses et souvent d’accès compliqué. «Ce qui peut rendre les interventions dangereuses, d’autant qu’ils sont difficiles à éteindre», signale le chercheur, soulignant que le phénomène s’observe surtout dans les Alpes; au Tessin, mais aussi dans les Grisons et en Valais.

«Ces feux sont souvent souterrains et leur identification peut être difficile les premiers jours, car la combustion est très lente au début» BORIS PEZZATTI, CHERCHEUR À L’INSTITUT WSL

Chef de la section forestière de l’administration cantonale tessinoise, Roland David cite quelques chiffres: entre 2000 et 2010, 12% des feux avaient pour origine un éclair, tandis qu’entre 2011 et 2022, ils étaient 15,75%. En 2020, leur proportion s’élevait à 19% et cette année, à ce jour, à 20,7%. «Donc, oui, leur nombre augmente, mais jusqu’à présent, ce genre d’incendie n’a pas affecté de grandes surfaces.» Comme il ne se développe pas en superficie, on peut penser l’avoir éteint et quatre jours plus tard, il peut repartir, affirme le responsable. «C’est pour cela que nous effectuons des relevés avec une caméra thermique.»

Aux prises avec les feux de forêt depuis plusieurs années, le Tessin a développé une expertise qu’il partage avec les autres cantons. «Nous sommes bien organisés, nous avons été confrontés à un nombre élevé de feux provoqués par des éclairs cette année et nos interventions ont été efficaces», relève Roland David, précisant que parfois ceux-ci démarrent et s’éteignent seuls, grâce aux précipitations, ou à quelques lancers d’eau d’hélicoptère.

Science

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2022-08-13T07:00:00.0000000Z

2022-08-13T07:00:00.0000000Z

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