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En Serie A, les rayures sont indémodables

Depuis 2001, seuls trois clubs ont remporté le championnat italien: Milan, Inter et Juventus, qui sont encore favoris au départ de cette saison. Chacun de ces trois géants a pourtant connu un gros trou d’air durant cette période, sans que la concurrence s

VALENTIN PAULUZZI, MILAN

Depuis 1898, 118 titres de champion d’Italie de football ont été attribués, dont 36 à la Juventus Turin, 19 à l’Inter Milan et 19 à l’AC Milan, soit une proportion de 62% pour les trois clubs italiens les plus célèbres. La mainmise du trio à rayures noires s’élève à 75% si l’on ne prend en compte que les éditions depuis l’instauration de la poule unique en 1929-1930, et son appellation Serie A. Et à 100% depuis l’été 2001.

Aucun grand championnat européen n’a vécu une telle domination sur cette période, pas même la Bundesliga, écrasée depuis dix ans par le Bayern mais qui a sacré cinq clubs différents depuis vingt ans. S’agissant, hormis à de rares exceptions, des trois clubs les mieux équipés financièrement à chaque début de saison, la suprématie Juve-Milan-Inter paraît d’une logique implacable. Le trio a pourtant connu d’énormes trous d’air au XXIe siècle.

Vainqueurs des deux derniers scudetti, l’Inter et le Milan ont chacun mis fin à une disette de onze ans et, durant leur longue traversée du désert, ils ont été absents du podium pendant respectivement huit (2012-2019) et sept saisons consécutives (2014-2020). L’été 2006, la Juve a carrément été rétrogradée administrativement en Serie B, et n’a recommencé à gagner qu’en 2012, neuf fois d’affilée avant d’être éjectée du podium depuis 2020.

Ces géants aux pieds d’argile ont donc laissé des opportunités, dont personne n’a su profiter. Concurrents directs de la Vieille Dame lors de la dernière décennie, le Napoli et la Roma ont établi chacun leur record de points sur une saison, 91 pour le Napoli en 2018, 87 pour la Roma l’année précédente, mais ont toujours échoué à remporter le titre. Claudio Marchisio, pensionnaire bianconero de 2008 à 2018, témoigne de ces duels: «Le Napoli et la Roma ont lutté pour le titre, toutefois, on peut se demander s’ils ont vraiment été en mesure de gagner, leurs palmarès parlent d’eux-mêmes…. [cinq scudetti à deux]. Le Milan et Inter, ce sont deux équipes, clubs et histoires qui savent ce qu’il faut pour remporter un championnat.»

Une culture de la gagne

Cette explication «génétique» est aussi celle de Luciano Moggi, dirigeant qui a passé un demi-siècle dans plusieurs clubs renommés avant de se faire exclure du monde du foot suite au scandale du Calciopoli. En tant que directeur général de la Juventus, il était le personnage central de cette histoire de trafic d’influence de la part des cadors sur le monde arbitral. Après ce «ménage», institutions et journaux garantissaient que le palmarès allait être plus ouvert. Il s’est passé exactement l’inverse. «Il y a des équipes qui gagnent le championnat et qui se mettent au travail dès le lendemain. Il y en a d’autres qui font la fête pendant un an», juge Luciano Moggi, titré une fois avec le Napoli de Maradona (1990) et sept fois avec la Juve, dont deux révocations par la suite.

Milieu français passé par la Roma (deux deuxièmes places entre 2003 et 2006) et l’Inter (trois scudetti entre 2006 et 2009), Olivier Dacourt est d’accord. «Quand j’arrive à la Roma en janvier 2003, elle est en période de décompression après le titre de 2001 qui continuait d’être fêté!»L’actuel

«Il y a des équipes qui gagnent le championnat et qui se mettent au travail dès le lendemain. Il y en a d’autres qui font la fête pendant un an» LUCIANO MOGGI, ANCIEN DIRIGEANT DE LA JUVENTUS

consultant de Canal+ pointe du doigt un autre aspect des clubs du centresud: «En 2003-2004, on est champions d’automne et les gens s’enflamment. A la reprise, en janvier, on perd à la maison contre le Milan, deuxième. C’était notre première défaite, nous étions toujours leaders avec quatre points d’avance, mais 5000 supporters ont organisé une contestation au centre d’entraînement.»

C’est moitié moins que ceux présents au quartier de l’EUR, le 26 juillet dernier, pour la présentation de Paulo Dybala, transfuge de la Juventus. La mise en scène a impressionné le monde entier, mais pas Luciano Moggi. «Ils ont fermé des routes pour cet événement, tandis qu’à Turin ou Milan, ce serait passé inaperçu. Ces clubs ont des délires de grandeur qui ne correspondent jamais aux résultats du terrain. Il y a beaucoup de folklore, leur professionnalisme en pâtit.»

Après la Roma (11 fois) et le Napoli (8 fois), l’Atalanta est l’équipe qui a trusté le plus de podiums avec trois troisièmes places consécutives de 2019 à 2021, établissant elle aussi son record de points (deux fois 78). C’était durant ces saisons de pandémie qui ont aplani les rapports de force, la conjoncture lui était donc assez favorable pour remporter un premier scudetto, d’autant qu’elle était parallèlement le représentant italien le plus compétitif dans les ligues européennes (à quelques secondes du dernier carré de la Ligue des Champions en 2020).

Mais l’Atalanta avait les défauts de ses qualités et n’a pas su se dénaturer lors des moments clés, restant cette formation qui partait à l’abordage peu importe le score et laissait parfois échapper des victoires à sa portée. Enfin, il y a les impondérables, cette Lazio irrésistible l’hiver 2020, éliminée de toutes les autres compétitions et revenue à une petite unité d’une Juve poussive, encore engagée sur trois fronts et qu’elle avait déjà battue deux fois dans la saison. L’arrêt forcé des compétitions pendant trois mois brisa son élan et le désir, pour les fans de foot de moins de 30 ans, d’enfin assister à une épopée inédite dans la Botte.

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2022-08-13T07:00:00.0000000Z

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