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Réforme de l’AVS, le combat des chefs

Pour le conseiller fédéral Alain Berset et le président de l’Union syndicale suisse, Pierre-Yves Maillard, deux icônes romandes du PS, la votation sur l’AVS est l’événement majeur de la législature. Bien que cela soit pour des raisons différentes

MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaume

ASSURANCES SOCIALES Ils étaient tous deux dans la course au Conseil fédéral il y a onze ans. A l’époque, Alain Berset l’avait emporté sur Pierre-Yves Maillard. Aujourd’hui, les deux ténors socialistes sont opposés sur le dossier de la réforme de l’AVS, soumis au peuple le 25 septembre prochain. Chacun entend bien l’emporter: Pierre-Yves Maillard a retrouvé la combativité sans concession de ses jeunes années de syndicaliste; pour Alain Berset, après l’échec de Prévoyance vieillesse en 2017, c’est peut-être la dernière occasion de laisser une trace dans le domaine des assurances sociales.

Le débat sur la réforme de l’AVS, soumis en votation populaire le 25 septembre prochain, promet de faire des étincelles. A l’affiche, un nouveau duel entre les deux surdoués de la politique romande, le conseiller fédéral Alain Berset et le président de l’Union syndicale suisse, Pierre-Yves Maillard. Et les deux camarades du PS ont bien l’intention de le remporter.

Un match, quel match? Au PS, tout le monde refuse d’opposer Berset et Maillard, 11 ans après leur confrontation pour accéder au Conseil fédéral, qui avait largement tourné à l’avantage du Fribourgeois par 126 voix contre 63. «C’est une erreur de vouloir reconstruire ce duel», s’agace le conseiller aux Etats Carlo Sommaruga (PS/GE). «Tous les deux jouent leur rôle respectif, et la base du PS est consciente du fait qu’Alain Berset défend l’avis du Conseil fédéral», ajoute-t-il.

Même son de cloche au Département fédéral de l’intérieur (DFI), qui fait profil bas en précisant qu’Alain Berset «informera plus qu’il ne mènera campagne». Pierre-Yves Maillard dénie aussi tout affrontement personnel. «Je me bats pour l’AVS et contre l’abandon d’une volonté politique, celle qui a permis de créer l’AVS en 1947 et de l’améliorer pendant des décennies. Je ne combats pas

Alain Berset, qui doit appliquer les décisions de la majorité du parlement et du Conseil fédéral», souligne-t-il.

Une bataille importante

Il n’empêche: sauf énorme surprise, le débat aura lieu, non seulement à distance mais aussi physiquement lors de l’émission Infrarouge de la RTS le 7 septembre prochain. Même si les modalités de l’émission restent à déterminer.

Pour le PS, c’est une bataille importante que celle qui touche l’«AVS 21», ainsi que la réforme est appelée. Celle-ci instaure un même âge de la retraite à 65 ans pour les hommes et les femmes, de même qu’elle relève la TVA de 0,4 point. Pour les femmes, il s’agit là d’une hausse d’un an étalée sur quatre étapes de 2024 à 2028.

Même si des mesures de compensation pour elles sont prévues, le PS tient à envoyer un signal fort avant une prochaine échéance encore plus cruciale, lorsqu’il faudra voter sur l’initiative des Jeunes PLR pour une retraite à 66 ans pour toutes et tous.

Un débatteur coriace

Dans l’optique du 25 septembre, Pierre-Yves Maillard a retrouvé la combativité sans concession de ses jeunes années de syndicaliste. Ces dernières semaines, il est omniprésent dans les médias, des deux côtés de la Sarine: tantôt il réclame une augmentation des salaires de 5%, tantôt il fustige la secrétaire d’Etat Livia Leu pour «être tombée dans le piège de Bruxelles» dans le dossier européen. Mais c’est désormais sur l’AVS qu’il se concentre. A Chevroux (VD), il a consacré la totalité de son discours du 1er Août à cette réforme: «Défaire l’AVS, c’est défaire la Suisse», s’est-il exclamé. Voilà qui est fort de café pour ses adversaires, dont le but est précisément d’assurer la pérennité de cette assurance sociale à propos de laquelle toute réforme a été impossible depuis 25 ans!

«On retrouve le Pierre-Yves Maillard de ses jeunes années de syndicaliste, dogmatique et jusqu’au-boutiste, celui d’avant son mandat au Conseil d’Etat vaudois où il a formé un binôme pragmatique avec le PLR Pascal Broulis», note le directeur de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI), Philippe Miauton.

Et lorsque Pierre-Yves Maillard est en campagne, il ne ferraille pas à fleuret moucheté, mais au sabre. Le 29 juillet, dans un débat à Forum sur la RTS, le président de l’USS s’en est pris à la brochure d’information du Conseil fédéral. «Certains chiffres du message sont mensongers», a-t-il affirmé.

Quels chiffres précisément, à quelle page? Interrogé par Le Temps, Pierre-Yves Maillard s’explique. «Le Conseil fédéral et les partisans de la loi donnent une image trompeuse lorsqu’ils prétendent qu’en 1947 il y avait six cotisants pour un rentier, alors qu’il n’y en aurait plus que trois aujourd’hui», s’irrite-t-il. Parmi ces six personnes, il y avait trois femmes qui travaillaient certes, mais à la maison et sans salaire. «Grâce à l’arrivée en force des femmes sur le marché du travail, l’histoire a montré que la masse salariale augmente aussi fortement que le besoin des rentes.»

«La droite a aussi fait des compromis»

Parmi les partisans de la réforme, l’on s’étonne de la virulence des propos de PierreYves Maillard. Les pronostics figurant dans la brochure sont ceux faits par l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), dont le directeur n’est autre que l’ancien conseiller national socialiste

Stéphane Rossini. Et ils montrent qu’entre 2025 à 2032, «le déficit de l’AVS totalisera environ 18 milliards d’après les perspectives financières actuelles». D’où l’urgence d’assainir la situation, selon les partisans d’AVS 21.

«Cette réforme est équilibrée entre nouvelles recettes et stabilisation des dépenses», assure Olivier Feller (PLR/VS). «Dans ce projet qui est très social, la droite a aussi fait des compromis», renchérit Philippe Nantermod (PLR/VS). «Pierre-Yves Maillard a beaucoup de qualités, mais c’est un populiste de gauche. Et comme tout populiste, il se meut tantôt dans le système, tantôt en dehors.»

Et Alain Berset dans ce débat? Le chef du DFI n’est pas Ueli Maurer, capable d’expédier un lancement de campagne en sept minutes lorsqu’un sujet ne l’intéresse pas. «Je suis persuadé qu’il s’engagera de manière collégiale dans la campagne au nom du Conseil fédéral», déclare Philippe Nantermod. Pour Alain Berset, après l’échec de Prévoyance Vieillesse en 2017, c’est peut-être la dernière occasion de laisser une trace dans le domaine des assurances sociales.

«Je ne combats pas Alain Berset, qui doit appliquer les décisions de la majorité du parlement et du Conseil fédéral» PIERRE-YVES MAILLARD

«Pierre-Yves Maillard a beaucoup de qualités, mais c’est un populiste de gauche» PHILIPPE NANTERMOD (PLR/VS)

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2022-08-13T07:00:00.0000000Z

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