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Voici pourquoi Omicron diffère des autres variants

Le lignage Omicron, dont les derniers sous-variants BA.4 et BA.5 déferlent sur l’Europe, présente une évolution et des caractéristiques uniques par rapport aux autres variants. Que signifient-elles pour le futur?

DUC-QUANG NGUYEN @duc_qn

La souche originelle du SARSCoV-2, identifiée à Wuhan en décembre 2019 était qualifiée à l'époque de virus extrêmement contagieux. Depuis, des variants plus infectieux n'ont cessé de défiler: Alpha, Bêta, Delta, Gamma et depuis novembre dernier, Omicron.

Omicron présente plus de 50 mutations par rapport au virus original. Une trentaine d'entre elles contribuent à modifier la protéine Spike S1, que le SARS-CoV-2 utilise pour s'attacher aux cellules hôtes avant de les infecter. Omicron présente un profil mutationnel exubérant, différant largement des variants précédents, qui ne comptaient pas plus d'une douzaine de mutations dans cette région.

La protéine Spike joue un rôle phare à bien des égards. Elle est la clé qui permet au SARS-CoV-2 de pénétrer dans nos cellules. Elle est ainsi la cible principale de notre système immunitaire face à l'infection. Elle est également le composant viral sur lequel sont basés tous les vaccins.

Un variant de plus en plus furtif

C'est le grand nombre de mutations dans cette fameuse protéine Spike qui a permis à Omicron d'échapper à notre système immunitaire, de devenir plus contagieux et de causer une maladie plus souvent bénigne

En quoi les derniers «enfants» de la famille Omicron, BA.4 et BA.5, diffèrent-ils de leurs parents BA.1-BA.2 qui ont sévi l'hiver dernier? «Les sous-variants BA.4-BA.5 parviennent encore mieux à échapper à l'immunité conférée par une infection et/ou une vaccination, explique Tanja Stadler, ancienne cheffe de la task force et spécialiste de l'évolution des virus. Les données actuelles suggèrent cependant que tous les variants d'Omicron sont similairement contagieux. Des études supplémentaires, nous permettront de savoir si BA.4-BA.5 provoque des infections plus graves que BA.1-BA.2.»

Il faut rappeler que si les sous-variants BA.4 et BA.5 peuvent percer les défenses immunitaires des personnes vaccinées et/ou guéries de BA.1 et BA.2, la vaccination avec une dose de rappel confère toujours une bonne protection contre les formes graves de la maladie.

Un variant sorti de nulle part

Sur les origines d'Omicron, on ne sait pas grand-chose, sauf sa particularité de ne pas être apparenté aux variants précédents. «Les données génomiques suggèrent qu'Omicron a évolué à partir d'une souche proche de l'originale qui circulait en 2020 déjà», décrit Tanja Stadler.

On sait en revanche que c'est en Afrique du Sud qu'Omicron a été identifié pour la première fois en novembre 2021, tout comme le variant Bêta une année auparavant. Ce pays serait-il un lieu propice à l'émergence de nouveaux variants?

C'est avant tout en raison du large programme de séquençage pratiqué en Afrique du Sud que des variants y sont identifiés pour la première fois, selon Emma Hodcroft, épidémiologiste à l'Université de Berne et spécialiste du suivi des variants. «Il est fort possible que ces variants soient apparus ailleurs et qu'ils n'aient été détectés qu'une fois arrivés en Afrique du Sud. D'autre part, nous savons qu'une grande partie du monde, y compris l'Afrique, est touchée par d'autres maladies chroniques qui peuvent avoir un impact important sur le système immunitaire, notamment le VIH. Les personnes atteintes de ces maladies ne peuvent pas être en mesure d'éliminer rapidement le virus, ce qui donne à ce dernier l'occasion d'accumuler des mutations.»

Le SARS-CoV-2 mute-t-il plus vite?

L'arrivée continuelle de nouveaux variants pourrait faire croire que le SARS-CoV-2 est un virus mutant fréquemment. Or il se trouve que celui-ci mute relativement peu. Influenza, le virus de la grippe par exemple, mute au moins quatre fois plus vite.

Mais au vu du nombre de mutations accumulées par Omicron, n'est-ce pas un signe que le virus mute plus rapidement que par le passé? Emma Hodcroft se veut rassurante: «Le SARS-CoV-2 mute à un rythme normal pour un coronavirus, et son taux de mutation n'a pas changé au cours de la pandémie. La confusion provient du fait que certains lignages (comme Omicron) ont connu des périodes de «saut mutationnel», en accumulant rapidement un grand nombre de mutations conduisant à l'émergence de variants. Cependant, cela n'est pas dû à une augmentation du taux de mutation, mais probablement à d'autres facteurs externes, comme l'infection prolongée chez des personnes immunodéprimées. Le virus pourrait avoir évolué de la sorte chez ces personnes avec un système immunitaire affaibli. Après ce saut initial, les mutations sont à nouveau acquises au même rythme que précédemment.» ■

SCIENCE

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2022-07-01T07:00:00.0000000Z

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