Le Temps epaper

Tristane Banon, messagère de paix dans la guerre des sexes

Pas question de rester pour toujours une victime de Dominique StraussKahn: l’essayiste française, qui avait porté plainte contre l’ancien patron du FMI, écrit désormais pour défendre les hommes. En femme de paix

TRISTANE BANON RICHARD WERLY @LTwerly

«Dénoncer des comportements inadmissibles envers les femmes est impératif. #Metoo a permis de briser un silence étouffant. Mais après? On construit comment?»

Tristane Banon est amoureuse. Pas d’un autre homme que Pierre, son mari. Ni d’une femme. Ni d’une idée. A 42 ans, l’essayiste française qui osa porter plainte contre Dominique Strauss-Kahn à l’époque où tout le monde se taisait aime… le débat contradictoire. Parce qu’à l’heure où le féminisme devient pour certaines une forme de religion rongée par le fondamentalisme, l’autrice parisienne au visage d’adolescente a décidé de croiser le fer avec toutes celles qui pourfendent les hommes en rêvant de les faire taire, voire de les faire expier de présumés péchés: «Nous n’avons pas toutes le même vécu. Je ne juge pas, nous racontait-elle en novembre 2021, au sortir d’un plateau de télévision. Je crois simplement que sur le sujet homme-femme qui structure depuis toujours nos sociétés, le débat pacifié est indispensable. La Paix des sexes n’est pas seulement le titre de mon livre. Ce n’est pas un objectif théorique. C’est une nécessité.»

Intransigeance «woke»

L’ex-journaliste n’a guère besoin de se justifier pour faire comprendre que l’intransigeance «woke» n’est pas sa tasse de thé. La nuance qu’elle apporte dans ses propos dès qu’elle parle du sexe masculin, le soin qu’elle met à ne jamais évoquer l’agression sexuelle dont elle fut victime en 2003 de la part de l’ancien patron du FMI Dominique Strauss-Kahn (il était alors député socialiste du Val-d’Oise), mais aussi ses mots rudes sur la pesante atmosphère actuelle dans les rangs des universités… tout cela témoigne de sa distance avec ce courant de pensée venu des Etats-Unis, pour qui la défense des identités raciales et du féminisme version #MeToo forment un corpus de pensée intégré.

Peur de l’affrontement? Inquiétude de se retrouver toujours confrontée à son statut de victime d’une personnalité publique? «Dénoncer des comportements inadmissibles envers les femmes est impératif. #MeToo a permis de briser un silence étouffant. Mais après? On construit comment? On éduque nos enfants comment?» dit cette maman d’un garçon et d’une fille. Laquelle (alors que nous avions prévu de converser au téléphone) vient d’être admise à l’hôpital pour une bénigne opération des amygdales.

Tristane Banon aurait pu devenir une égérie. L’une de ses meilleures amies, l’essayiste Rachel Kahn, autrice de Racée, best-seller sur le danger de divisions identitaires et sur les risques d’un antiracisme qui exclue au lieu de rassembler, emploie le mot «sagesse» pour désigner son principal trait de caractère. Etonnant. Tout, dans le récit de sa rencontre douloureuse avec Dominique Strauss-Kahn, démontre sa force de caractère, son courage et son tempérament de frondeuse.

Sage, Tristane? «Elle a surtout le sens des responsabilités, corrige une éditrice qui l’a aidée à publier ses premiers livres. Elle a le physique un peu lunaire d’une intellectuelle écervelée. Elle est beaucoup sortie, à une époque, avec des bandes de mondains parisiens habitués aux plateaux de télévision. On s’attend à la voir se comporter comme une vamp alors qu’elle préfère les lumières tamisées aux projecteurs, même si elle sait formidablement faire son auto-pub.»

On confirme: sur le plateau TV, la jeune quadragénaire alterne regard pénétrant, sourire, et mine modeste. Interrogée sur un sujet économique qu’elle ne connaît pas, elle décline poliment, affirmant «ne pas avoir d’avis». Elle a pourtant un livre à vendre. Sage? «Le plus beau compliment que vous pourrez me faire, c’est d’écrire que mon livre est sérieux, que j’essaie de répondre aux questions avec sincérité», dit-elle, partageant avec nous ses questions sur la presse helvétique. Le Matin Dimanche, ce matin-là, venait de la joindre. Femina aussi. Qui choisir? «Les journalistes suisses sont précis. Ils lisent les livres. Vous savez, c’est important. En France, on succombe vite à sa réputation.»

«Pacifico-sexuelle»

Si l’on devait lui décerner un titre, celui de «pacifico-sexuelle» conviendrait assez bien. Du charme, Tristane Banon, cheveux blonds et regard sombre, en a à revendre. Mais son sujet, depuis qu’elle écrit, est de démontrer qu’on existe derrière son sourire. Sa mère, d’origine iranienne, ne l’a guère guidée dans ses premiers pas de femme. Longtemps, Tristane a d’ailleurs dû préciser «elle, c’est elle, moi, c’est moi» pour bien faire comprendre qu’elle n’était pas une fille sous influence.

L’adulte qu’elle est devenue, mère de famille et fière de l’être, rêve d’armistices et de dialogue. Elle sait, pour avoir fréquenté les pages de la «presse people», que celles-ci sont une drogue que l’intelligence et l’âge imposent de délaisser si l’on ne veut pas être broyée. Elle admet, sans le dire, que sa confrontation brutale avec DSK lui a servi de «sésame» dans la vraie vie: celle des rapports de force, du pouvoir qu’on exerce sans partage, des hommes qui croient séduire parce qu’ils sont habitués à se faire obéir.

«C’est une intellectuelle qui a les yeux ouverts sur notre société. Elle peut faire de grands livres», confirme son ex-éditrice. Tristane, dont l’adolescence ne fut pas toujours simple, a surtout refusé d’être triste. Le bonheur, sauf pour ceux qui ont la guerre dans le ventre, rime toujours avec la paix.

La Une

fr-ch

2022-01-28T08:00:00.0000000Z

2022-01-28T08:00:00.0000000Z

https://letemps.pressreader.com/article/281900186598625

Le Temps SA