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Une flambée des coûts qui fait polémique

MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaume

Selon la faîtière des caisses Santésuisse, les coûts de la santé à la charge de l’assurance de base ont augmenté de 5%. Faut-il craindre une hausse sensible des primes? Les avis divergent, car les médecins contestent les données de Santésuisse

Après quatre années de stabilisation des primes maladie, faut-il craindre une hausse sensible pour 2023? C'est ce que laisse entendre l'association faîtière des caisses Santésuisse, qui annonce ce jeudi une «flambée des coûts» dans l'assurance de base de 5,1% l'an dernier. «De nouvelles hausses de primes semblent quasiment inévitables», estime Santésuisse. Mais le président de la Société médicale de la Suisse romande Philippe Eggimann dénonce un «effet d'annonce pour les justifier par avance».

Bien sûr, la pandémie est passée par là. La faîtière estime désormais à 1 milliard de francs les coûts du Covid-19 à la charge de l'assurance de base. En 2020, la crise sanitaire ne s'était répercutée que partiellement sur la facture globale, qui n'avait augmenté que de 0,6% en raison du report durant six semaines des opérations non urgentes dans les hôpitaux.

«Une hausse imprévue dans son ampleur»

Selon Santésuisse, qui s'appuie sur sa base de données Sasis, la plus forte croissance (+18%) des coûts a été enregistrée en physiothérapie. Suivent les domaines ambulatoire médical et hospitalier (+6 à 7%), les soins à domicile (+6%) et les laboratoires (+5%). Seul secteur à afficher une baisse (-3%) de ses coûts: celui des EMS.

Sur l'ensemble de la dernière décennie, les coûts de la santé ont augmenté en moyenne de 2,5% par assuré, tandis que les salaires nominaux n'étaient revalorisés que de 0,7%. Un écart révélateur de la perte de pouvoir d'achat de chaque assuré.

«Nous nous attendions à une hausse, mais pas de cette ampleur», relève Verena Nold, directrice générale de Santésuisse. «Nous payons l'absence de mesures pour freiner la hausse injustifiée des coûts liés à des prix et des tarifs surfaits ou la fourniture de prestations inutiles», ajoute-t-elle. En 2017, un groupe d'experts avait remis au ministre de la Santé Alain Berset un rapport préconisant 38 mesures.

Cinq ans plus tard, la montagne a accouché d'une souris. Toutes les réformes les plus prometteuses en matière d'économies – comme le prix de référence des médicaments – ont été balayées ou édulcorées.

L'annonce de cette flambée des coûts ne surprend pas outre mesure Felix Schneuwly, responsable des affaires publiques du comparateur de primes Comparis.ch. Lui aussi pointe l'échec des réformes au parlement. «Celui-ci fait une politique de silos qui de surcroît se soucie très peu de la qualité des soins. Sur le papier, la loi garantit la libre circulation des patients, mais comment la mettre en pratique si ceux-ci ne disposent pas d'une comparaison sérieuse entre les hôpitaux en matière de qualité?» interroge-t-il.

«Des chiffres fantaisistes»

Dans le cadre de son deuxième paquet de mesures, qu'il considère comme un contre-projet à l'initiative populaire du Centre pour instaurer un frein aux dépenses, Alain Berset a proposé des objectifs de maîtrise des coûts. «Un plan catastrophique que cette idée de budget global décidée d'en haut», selon Felix Schneuwly. La commission de santé (CSSS) du Conseil national a formé une sous-commission pour élaborer un contre-projet différent.

Faut-il déduire des chiffres de Santésuisse qu'une hausse conséquente des primes sera inéluctable? Felix Schneuwly le craint. «A moyen terme, je m'attends à une croissance des coûts légèrement inférieure à 3% par an», prédit-il.

En revanche, aux yeux du président des médecins romands Philippe Eggimann, ce communiqué de Santésuisse n'est rien d'autre qu'un «mauvais feuilleton». «Cette annonce n'est pas crédible, car le monitoring (Mokke) de l'évolution des coûts de l'assurance de base s'arrête encore au troisième trimestre de 2021», fulmine le médecin vaudois, qui brandit d'autres chiffres: «Les données disponibles montrent une augmentation des coûts de 1,5% par an entre 2019 et 2021». Philippe Eggimann ne redoute ainsi pas de hausse sensible des primes. «Chaque année, les prédictions de Santésuisse se révèlent fantaisistes», affirme-t-il. Il en est d'autant plus convaincu que les assureurs profiteront d'une année boursière exceptionnelle qui fera encore gonfler leurs réserves!

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2022-01-28T08:00:00.0000000Z

2022-01-28T08:00:00.0000000Z

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