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«Les élèves ont transformé l’exception en normalité»

L’obligation de porter un masque, qui avait fait éclater la colère de certains parents, aurait pourtant été bien acceptée par les petits, selon le spécialiste en psychologie des enfants Philipp Ramming

PROPOS RECUEILLIS PAR MYRTILLE WENDLING @myrtillewe

PHILIPP RAMMING

PSYCHOLOGUE

«Pour les enfants, l’adaptation est plus simple. A la différence des personnes plus âgées, les petits n’ont pas encore de modèles préétablis dans leur esprit»

Qui aura perdu ses dents de lait en quelques semaines? Les professeurs retrouveront bientôt le sourire radieux de leurs élèves. L’obligation du port du masque en classe tombe dans la plupart des cantons romands dès le lundi 31 janvier. Dans une libération progressive et à géométrie variable, les écoles primaires et les cycles d’orientation seront concernés.

L’imposition du masque aux écoliers avait suscité une levée de boucliers chez certains parents suisses soucieux de voir la santé mentale ou la scolarité de leurs petits impactées par cette mesure. Des appels au boycott de la rentrée et des manifestations avaient notamment surgi. Or, depuis la décision, comment l’acceptation s’est-elle faite chez les petits concernés? Ont-ils mal vécu la cohabitation forcée avec le bout de tissu? Nous avons posé la question au Bernois Philipp Ramming, spécialiste en psychologie des enfants et ancien président de l’Association suisse des psychologues d’enfants et adolescents.

L’obligation du port du masque à l’école a provoqué la colère de parents inquiets. A vos yeux, les enfants souffrent-ils vraiment de cette mesure?

Il est difficile de généraliser car tous les enfants ont des parcours singuliers. Néanmoins, la tendance générale montre que beaucoup d’enfants n’ont pas été impactés négativement par le port du masque. Les petits sont comme tous les êtres humains: lorsqu’une difficulté survient dans un environnement, ils s’adaptent.

On peut avoir l’impression qu’ils s’habituent au point de ne même plus retirer le bout de tissu quand ils le peuvent. Est-ce «normal»? Comment se crée une habitude chez les enfants face à des mesures pénibles pour les adultes?

Cette réaction est complètement classique et se retrouve aussi chez nombre d’adultes. Elle prouve justement la grande capacité d’adaptation de l’être humain. On réussit à intégrer des mesures, ici de protection, dans le quotidien lorsque l’environnement le requiert. Mais pour les enfants, l’adaptation est encore plus simple que pour les adultes. A la différence des personnes plus âgées, les petits n’ont pas encore de modèles préétablis dans leur esprit, si bien que des remises en question ne viennent pas chambouler leur équilibre.

D’aucuns craignaient des conséquences psychologiques du port du masque sur les enfants. Ces craintes sont-elles justifiées?

Effectivement, les préoccupations, notamment dans les crèches, visaient le fait que les enfants ne verraient plus les visages et n’apprendraient donc plus à lire les émotions. Mais les professionnels ont fait de leur mieux pour assurer la situation en redoublant d’efforts. Les petits sont attachés à leur développement et ont besoin d’adultes pour les soutenir et les aiguiller. On peut donc perdre du temps à pester sur les masques… ou on peut trouver des solutions pour vivre avec et continuer d’éveiller nos enfants.

Les habitudes s’imprègnent-elles différemment selon la position des parents ou l’école a-t-elle un impact plus fort?

Tous les individus qui gravitent autour des enfants ont une importance pour leur construction. Les professeurs et les camarades de classe, mais aussi leur voisin, leur oncle ou leurs grands-parents peuvent, à travers leurs opinions, inspirer les petits. Les établissements scolaires ont, plus spécifiquement, dû faire face à de véritables défis pour que les enfants acceptent le port du masque. Finalement, les professionnels de l’éducation et les élèves ont réussi à transformer l’exception en normalité.

Les «petits» et les adolescents acceptent-ils le masque différemment?

Les politiques de protection ont besoin de fixer des limites légales, mais il n’y a pas de réelle distinction à opérer entre ces deux groupes d’enfants. Les plus petits sont plutôt influencés par la décision de leurs parents, tandis que les adolescents ont besoin de comprendre la situation pour se conformer aux règles. Néanmoins, les deux groupes ont un point commun: ils n’ont pas envie d’effectuer des recherches très poussées pour savoir comment agir. Ils souhaitent tous aller retrouver leurs amis et ont besoin qu’une tierce personne choisisse à leur place les conditions de leur sortie.

Suisse

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2022-01-28T08:00:00.0000000Z

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