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L’aide à la presse ailleurs, sur le continent européen

MARC GUÉNIAT

Avant de proposer ses mesures, le Conseil fédéral a examiné la situation prévalant dans des pays comparables, notamment en Scandinavie

Vu la tournure que prend la campagne, largement défavorable aux mesures en faveur des médias proposées par le Conseil fédéral, on se demande bien comment un rapport est parvenu à la conclusion que les Suisses figurent parmi les plus réceptifs à l’aide publique. Sur les 33 pays considérés par Reuters dans son analyse annuelle, seuls les Portugais et les Turcs se montrent plus enclins que les Helvètes à l’idée de soutenir la presse. L’étude couvre l’Europe, l’Amérique du Nord et une partie de l’Asie. Dans cet échantillon, 69% des personnes estiment que la viabilité économique des médias est à risque, une proportion qui s’élève à 89% si l’on ne considère que les journaux.

Curieusement, l’opinion publique des quatre pays scandinaves est largement opposée à l’intervention de l’Etat, alors que leurs gouvernements mettent déjà à disposition des médias une aide substantielle. Par ailleurs, leurs citoyens sont ceux qui, parmi les 33 nations considérées, témoignent de la plus grande confiance envers les médias.

Confiance scandinave

Avant d’adopter ses mesures, le Conseil fédéral s’est penché sur la situation scandinave, parce qu’elle présente des similitudes avec la Suisse. Les médias y sont caractérisés par un degré élevé de professionnalisme, sont faiblement polarisés et bénéficient d’un soutien des pouvoirs publics. Il s’agit en outre de petits pays dans lesquels l’aide a notamment vocation à compenser les désavantages d’un marché de petite taille. Certains disposent, en outre, de minorités linguistiques. A noter que l’intervention de l’Etat n’a pas diminué le rythme des concentrations, signe qu’elle ne suffit pas à surmonter les difficultés structurelles auxquelles font face les rédactions les plus fragiles.

Par le biais d’aides directes, le Danemark et la Suède subventionnent la presse pour plus de 50 millions d’euros par année. Les critères y donnant accès varient mais prennent généralement en compte le nombre de journalistes, la taille et la diversité du lectorat ainsi que la production de contenus «démocratiquement importants» dans le domaine politique et culturel. L’aide est plafonnée à 50% des coûts totaux de la rédaction.

Soutien plus élevé en Suisse

Ces exigences correspondent peu ou prou à celles de l’aide aux médias électroniques, seule forme d’aide directe envisagée en Suisse, l’aide à la distribution sous forme de rabais postal étant dite indirecte. Au total, le soutien proposé par la Confédération atteindrait 287 millions de francs par année, en hausse de 151 millions par rapport à celui qui existe déjà. Il est nettement supérieur à celui qu’offrent le Danemark et la Suède.

En Finlande, l’aide dépasse 30 millions d’euros par année et constitue un soutien temporaire à l’innovation. Pour bénéficier d’une aide d’un montant analogue, les médias norvégiens ne peuvent pas être gratuits, ni dégager des bénéfices au-delà d’un certain seuil, et doivent paraître à fréquence régulière. Autres pays considérés par le Conseil fédéral, la Belgique et l’Autriche limitent leur soutien financier au conseil de la presse, organisme d’autorégulation de la profession, ainsi qu’à la formation des journalistes.

A la suite d’une décision de l’autorité de la concurrence, la France a innové, dès 2013, en se dotant d’une disposition par laquelle Google, accusé comme partout ailleurs de «piller» le contenu des médias, verse une somme aux journaux. Il s’agit d’une sorte de contrepartie à l’usage des droits d’auteur. Cependant, les modalités sont jugées floues et les subventions profitent surtout aux grands titres nationaux, comme Le Monde, Le Figaro et Libération. La même problématique a été identifiée en Allemagne avec les «dons» du géant californien. Le gouvernement n’est pas en reste puisqu’il a déboursé 840 millions d’euros pour aider 400 titres, sous forme de rabais postaux, de TVA réduite et de subventions directes.

Les autorités fédérales notent que pratiquement tous les pays accordent au moins un rabais ou une exonération de la TVA aux journaux. C’est aussi le cas en Suisse, où le taux applicable est de 2,5%. ■

Temps Fort

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2022-01-28T08:00:00.0000000Z

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