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Impasse sur le sort de la plus ancienne banque du monde

ÉRIC DORM DIRECTEUR DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’IESEG SCHOOL OF MANAGEMENT À L’UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LILLE

Les négociations entre Unicredit et le gouvernement de l’Italie pour la reprise de Banca Monte dei Paschi di Siena (BMPS) ont abouti à une impasse. Une solution doit cependant être trouvée pour cette banque fondée en 1472 qui a encore 21000 employés et 143 milliards d’euros d’actifs.

De 2011 à 2020, la banque a subi une perte cumulée totale de 23,510 milliards d’euros. Au cours de cette période la banque a procédé à des dépréciations cumulées d’actifs pour 29,077 milliards d’euros.

Les problèmes de la banque remontent à très loin. A partir de 1995, Banca Monte dei Paschi di Siena a acheté d’autres établissements bancaires en Italie, parfois à des prix excessifs, ce qui l’a trop endettée. Par la suite, la banque a aussi subi de forts taux de défaut sur ses prêts. Les pertes répétées ont réduit son capital. Des recours à des produits dérivés pour cacher des pertes ont été considérés comme illégaux. Les coûts sont excessifs et la rentabilité insuffisante.

Plusieurs augmentations de capital ont eu lieu, en 2011 pour 2,15 milliards d’euros, en 2014 pour 5 milliards, en 2015 pour 3 milliards. La banque avait déjà dû être refinancée par le gouvernement sur fonds publics par souscription à des obligations spéciales en 2009 pour 1,9 milliard d’euros et en 2013 pour 2,3 milliards d’euros.

En 2017 le gouvernement a dû sauver BMPS une nouvelle fois. Les résultats des stress tests des banques européennes, publiés par l’EBA en juillet 2016, avaient montré en effet que sous l’hypothèse d’un scénario de crise, la Banque Monte dei Paschi di Siena se retrouverait avec des fonds propres négatifs.

Les autorités ont utilisé la possibilité, offerte par la directive européenne concernée, de recapitaliser une banque sur fonds publics par précaution, moyennant des conditions de renflouement interne beaucoup moins sévères que celles exigées pour une résolution. Les actionnaires ont subi une forte perte par dilution, et des obligations subordonnées ont été converties en actions. Le renflouement interne a ainsi porté sur 4,3 milliards. La banque a émis des nouvelles actions pour 5,4 milliards d’euros, achetées par le gouvernement, dont la participation est ainsi de 64% du capital. L’Italie s’était engagée, auprès de la Commission européenne pour obtenir son accord, à revendre la participation du gouvernement et privatiser la banque d’ici décembre 2021.

Les stress test publiés en juillet 2021 par l’EBA ont été catastrophiques pour Banca Monte dei Paschi di Siena, qui a eu les moins bons résultats de toutes les banques européennes!

Sous les hypothèses du scénario de crise, les fonds propres CET1 de la banque seraient entièrement perdus, d’après cette simulation.

Le quotient de fonds propres CET1 baisserait en effet, de 9,86% en 2020 à -0,1% en 2023. Le gouvernement avait donc pensé recapitaliser encore la banque cette année sur fonds publics, et puis revendre une grande partie de l’actif et du passif à Unicredit. Mais il y a eu des désaccords avec Unicredit sur le calcul du risque lié aux actifs achetés et donc sur le besoin initial de fonds publics, ainsi que sur le prix d’achat. Un accord était aussi difficile sur la sélection des parties acquises et les conditions de la cession initiale des créances douteuses et des risques légaux à des entités publiques.

L’Italie doit maintenant privilégier une formule où Banca Monte dei Paschi di Siena resterait indépendante après avoir été recapitalisée. Mais le gouvernement veut éviter de recapitaliser préventivement une nouvelle fois avec ses fonds, une initiative qui serait considérée par la Commission européenne comme une aide publique. C’est donc une augmentation de capital adressée au marché qui est privilégiée, ce qui impliquerait des achats de nouvelles actions par des investisseurs privés, mais aussi le gouvernement qui admet la nécessité d’un apport de fonds publics jusqu’à 3,5 milliards d’euros.

La manière dont cela pourrait éviter la qualification d’aide publique reste toutefois à clarifier. Le gouvernement souhaite toujours éviter une résolution, parce que le renflouement interne obligatoire pourrait concerner des obligations qui ont été vendues à des épargnants modestes.

La situation est un peu améliorée par les résultats des mois de janvier à septembre de cette année, qui ont été une bonne surprise. La banque dégage à nouveau des bénéfices, en particulier parce qu’elle a bien profité des prêts à taux négatifs octroyés par la Banque centrale européenne. Toute perspective de manque de capital est maintenant reportée à 2023. Cela laisse un délai au gouvernement.

Une possibilité souvent évoquée serait la formation d’un nouveau grand pôle bancaire autour de Banca Monte dei Paschi di Siena, par fusion avec l’une ou l’autre petite banque italienne. Ce pôle concurrencerait ceux qui existent déjà, dont Unicredit. Mais le manque d’intérêt des autres banques complique cette formation. ■

L’Italie doit maintenant privilégier une formule où Banca Monte dei Paschi di Siena resterait indépendante après avoir été recapitalisée

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2021-12-07T08:00:00.0000000Z

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