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ArianeGroup promet de rattraper son retard dans la course aux lanceurs

RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Le ministre français des Finances Bruno Le Maire a promis qu’ArianeGroup va tout mettre en oeuvre pour rattraper ses concurrents américains SpaceX ou Virgin dans l’élaboration de mini-lanceurs de satellites réutilisables

C’est une course à la fois industrielle, économique et surtout géopolitique. On savait, depuis le récent Forum de Paris sur la Paix, que le gouvernement français a pleinement conscience de l’enjeu global de puissance qui se déroule dans l’espace, où la bataille des satellites fait rage, tant sur le plan des lanceurs que de l’encombrement des orbites basses. Lors du forum, la France avait pris l’initiative d’un appel international à «dépolluer» l’espace. Et quelques jours plus tard, la destruction d’un satellite par un missile russe, rejetant de nombreux débris, avait confirmé l’intensité de cette bataille.

Nouvelle étape, industrielle cette fois, annoncée ce lundi par le ministre français des Finances Bruno Le Maire: le réveil annoncé de l’Europe et d’ArianeGroup – le fabricant des lanceurs propulsés à partir du pas de tir de Kourou, en Guyane française – qui, à partir de 2026, devrait à son tour mettre sur le marché des lanceurs réutilisables pour concurrencer la société américaine SpaceX d’Elon Musk, actuellement pionnière sur ce marché d’avenir visé aussi par les Russes et les Chinois. Les mini-lanceurs sont utilisés en priorité pour la mise en orbite de satellites légers d’observation et de retransmission, pour assurer les besoins futurs des machines et des voitures connectées.

Le fait que Paris soit à l’initiative de ce redéploiement stratégique d’ArianeGroup est logique. La

France a toujours été, en matière spatiale, le moteur des ambitions européennes, et l’Etat français est présent dans le capital de l’industriel via le géant aéronautique Airbus, co-actionnaire de l’entreprise avec Safran. L’essentiel des 9000 salariés d’ArianeGroup se répartit pour l’essentiel en France et en Allemagne, et le fait que Bruno Le Maire se soit rendu pour ces annonces sur le site normand de Vernon (Eure) est très politique. Ce département est son fief électoral, et l’actuel ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu en est le président du conseil départemental.

Autre fait important: l’imminence de la présidence semestrielle française de l’Union européenne, à partir du 1er janvier. La bataille pour les lanceurs devrait ainsi être l’un des thèmes évoqués par Emmanuel Macron lors d’une conférence de presse sur l’Europe prévue ce jeudi 9 décembre.

Deux écueils promettent toutefois de compliquer la tâche d’ArianeGroup, dans cette course de rattrapage spatial. Le premier est la compétition technologique. Les «micro-lanceurs» réutilisables ont été écartés à tort par l’industriel européen qui a privilégié, ces dernières années, son lanceur lourd Ariane 5 dont la mise au point avait pris dix ans de retard, avec une mise en service commerciale en 2005 alors que le premier prototype de cette fusée avait été lancé en 1996.

La priorité européenne est en outre toujours son successeur Ariane 6 dont le pas de tir de Kourou a été inauguré en septembre, et dont le premier lancement interviendra durant le second semestre 2022, propulsant dans l’espace le satellite d’observation Euclid dont la Suisse est partenaire avec 12 autres pays européens. Or dans le même temps, SpaceX a pris une nette avance: sur plus de 9000 satellites placés en orbite depuis 1957, l’entreprise américaine en a en effet déjà déployé 1677 pour sa constellation Starlink, soit environ 35% du parc satellitaire opérationnel.

ArianeGroup devrait mettre sur le marché des lanceurs réutilisables pour concurrencer SpaceX

Les acteurs allemands se profilent

Le deuxième écueil est politico-économique. Car qui dit développement de nouveaux lanceurs réutilisables dit injection de nouveaux capitaux, alors que la France et l’Allemagne ont peiné en juillet 2021 à s’entendre sur l’apport de 140 millions d’euros supplémentaires par an, via l’Agence spatiale européenne. Et pour cause: les industriels allemands poussent pour avancer seuls dans cette compétition, misant sur l’entreprise bavaroise Rocket Factory Augsburg (RFA), dont le système de propulsion est déjà utilisé par les fusées de SpaceX et de la société Blue Origin de Jeff Bezos.

Deux autres acteurs privés allemands se profilent en outre: HyImpulse (Bade-Wurtemberg) et Isar Aerospace (Bavière). Le pari français a le mérite de la prise de conscience. Mais cette contre-offensive ne pourra être victorieuse que si elle est résolument portée par tous les acteurs européens de ce secteur.

Economie & Finance

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2021-12-07T08:00:00.0000000Z

2021-12-07T08:00:00.0000000Z

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