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Les Suisses sont en «mode survie» au travail

Le syndicat Travail. Suisse a publié ce mardi son baromètre annuel des conditions de travail. Selon l’étude, 44,1% des salariés sont souvent stressés par leur emploi. La pandémie n’y serait pas pour rien

AGATHE SEPPEY @AgatheSeppey CATHERINE VASEY PSYCHOLOGUE

Au travail, la fatigue, la pression, la tension. Ce mardi, le syndicat Travail.Suisse partageait avec la presse les conclusions de son septième baromètre des conditions de travail. Parmi les nombreux résultats de l'étude, un chiffre marquant: 44,1% des salariés sont souvent ou très souvent stressés par leur travail, le «pire» niveau depuis 2015. Si les trois quarts réussissent à concilier vies professionnelle et privée, plus de 83% d'entre eux sont, au moins occasionnellement, trop épuisés après leur journée de travail pour gérer le reste.

Un marathon dangereux

Forcément, la pandémie y est pour quelque chose. Selon le syndicat, la reprise économique ne joue pas en faveur de la santé des salariés. Certains enchaînent les heures supplémentaires en portant une charge de travail toujours plus lourde. Sur le terrain, la psychologue Catherine Vasey, spécialiste du burn-out, observe effectivement «un changement dans le vécu des gens». Elle développe: «En mars 2020, ils sont partis pour un sprint, ils se sont suradaptés en faisant face à un stress aigu supposé temporaire. Ce sprint s'est alors changé en un marathon, dont la date d'arrivée est sans cesse repoussée.» Résultat: un stress devenu chronique. Une installation dans la «survie» (économique, aussi). Une usure. Par ailleurs et plus globalement, une tendance à l'épuisement au travail est déjà en marche depuis trente ans, explique la spécialiste: «La sédentarité croissante et les nouvelles technologies bouleversaient déjà la façon de travailler. La pandémie a exacerbé encore un peu plus ces deux leviers.»

Ce «mode survie» changé en nouvelle routine par le covid, Blaise Matthey le constate aussi du côté des employeurs. Le secrétaire général de la Fédération des entreprises romandes décrit: «Il y a indiscutablement du stress accru et supplémentaire, tant chez les employés que chez les patrons. Par contre, le stress provient toujours d'un mélange de facteurs privés et professionnels. J'estime qu'il est trop réducteur de l'attribuer systématiquement à l'entreprise. C'est par ailleurs souvent un biais de ce type d'étude faite par les syndicats.»

Que faire alors, pour reconsolider un fragile château de cartes que personne ne veut voir s'effondrer? Travail.Suisse exige que des mesures soient prises contre le stress en milieu professionnel. Le syndicat parle notamment d'une réduction de l'intensité de travail, il appelle aussi au lancement d'une campagne de prévention du stress et des mesures de promotion de la santé psychosociale. «Les risques pour la santé sont immenses et ne sont pas pris au sérieux», déplore même le responsable de la politique économique Gabriel Fischer. Blaise Matthey n'est pas d'accord et assure que, dans les entreprises, la protection face au stress n'est pas oubliée: «La majorité d'entre elles font ce que l'on attend d'elles en la matière. Une multitude de mesures existent et des structures d'accompagnement sont à disposition.»

Responsabilité partagée

Pourtant, pour Catherine Vasey, éviter l'épuisement professionnel relève davantage d'une responsabilité partagée. Selon la psychologue, les structures doivent proposer un cadre adéquat pour soutenir la santé physique et mentale, certes, mais les individus ont aussi entre leurs mains un certain pouvoir d'action pour leur «mieux-être». «Préserver sa vie privée appartient à chacun d'entre nous. L'entreprise ne peut forcer personne à arrêter de penser au travail hors contexte professionnel, par exemple.» La spécialiste mentionne aussi le poids non négligeable d'une «culture helvétique» du travail: le Suisse est impliqué, il veut bien faire et a même tendance à en faire trop, quand il ne sait pas ce que l'on attend de lui.

Reste qu'un travailleur trop sous tension, c'est un travailleur qui risque de voir son corps et son cerveau minés par les effets vicieux et dévastateurs du stress chronique sur l'organisme, rappelle Catherine Vasey.

«La sédentarité croissante et les nouvelles technologies bouleversaient déjà la façon de travailler. La pandémie a exacerbé ces deux leviers»

Suisse

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2021-10-27T07:00:00.0000000Z

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