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Le putsch conforte les voisins du Soudan

Les pays arabes, notamment l’Egypte, ont réagi tièdement au nouveau coup d’Etat survenu à Khartoum. Ils ne cachaient pas une certaine satisfaction face au retour des militaires

HALA KODMANI

Dans le concert des réactions internationales condamnant le coup d’Etat militaire au Soudan et appelant à la libération des dirigeants civils arrêtés, les voix arabes ont été inaudibles, voire dissonantes. Certes la Ligue arabe, à la suite de l’Union africaine, a exprimé depuis Le Caire sa «profonde préoccupation» et appelé «toutes les parties à respecter l’accord de partage du pouvoir entre militaires et civils». De même, l’Organisation de coopération islamique, dominée par l’Arabie saoudite, a exhorté les dirigeants soudanais au «respect du document constitutionnel agréé en 2019» pour une période transitoire de deux ans.

Intérêts hydrauliques

En contraste, les pays arabes les plus concernés par la situation au Soudan, Egypte en tête, se sont montrés nettement moins contrariés par le coup de force des militaires. Loin de condamner celui-ci, Le Caire, qui «suivait de très près» la situation au Soudan, a appelé toutes les parties à «oeuvrer pour la stabilité et la sécurité» du pays. Le communiqué diffusé par le Ministère égyptien des affaires étrangères insiste sur la nécessité de «faire face aux défis actuels de façon à garantir la sécurité du pays frère». Il a exhorté les Soudanais à «donner la priorité aux intérêts supérieurs du pays et au consensus national». Une réaction clairement interprétée comme un appui aux chefs militaires, très proches du régime égyptien. Du moins par les opposants soudanais au coup d’Etat. «A bas le gouvernement des militaires!», le slogan brandi lundi à Khartoum par les manifestants contre le coup d’Etat reprenait celui réitéré dans les rues du Caire au lendemain de la révolution de 2011, comme de la prise de pouvoir par l’actuel président Abdel-Fattah al-Sissi en 2013.

Le souci du Caire de ne pas voir émerger un modèle démocratique chez son voisin du sud avec lequel il partage une longue frontière et de nombreux intérêts vitaux est manifeste. Car, outre son lien historique hégémonique avec le Soudan, l’Egypte a besoin d’avoir un allié fiable, voire dépendant, notamment pour le partage des eaux du Nil.

Le défi majeur et commun aux deux pays est celui posé par le barrage hydroélectrique construit par l’Ethiopie près de la frontière soudanaise. Menacés dans leurs intérêts hydrauliques et agricoles vitaux, Le Caire et Khartoum font front commun face à Addis-Abeba, qui a commencé à remplir le réservoir du barrage. Les négociations en cours depuis des années et de multiples médiations africaines et internationales sont bloquées et la tension continue de monter dans la région autour du mal nommé barrage de la Renaissance.

Globalement, dans sa politique à l’égard du Soudan, l’Egypte est fortement soutenue par les pays du Golfe, Emirats arabes unis en tête, qui favorisent aussi le modèle de gouvernement militaire autoritaire. Ils peuvent jouer surtout de leur levier financier pour influer sur la situation à Khartoum.

Aucun pas vers Israël

Une aide financière de 400 millions de dollars a été apportée au Soudan au printemps dernier de la part de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis au profit du secteur agricole. Un soutien dans le cadre des engagements conjoints entre les deux pays du Moyen-Orient portant sur l’octroi d’une aide globale de 3 milliards de dollars en faveur de la relance de l’économie du pays. Cette aide essentielle a servi par ailleurs à faire pression sur le gouvernement soudanais pour qu’il établisse des relations avec Israël.

Quatrième pays arabe après les EAU, Bahreïn et le Maroc, à signer, sous la pression de ces derniers et de l’administration Trump, les «accords d’Abraham», le Soudan n’a toutefois fait aucun pas vers un échange de mission diplomatique ou des mesures de normalisation avec Israël. L’opinion soudanaise restant majoritairement opposée à l’établissement de telles relations.

Les Israéliens ne verraient pas d’un mauvais oeil non plus le coup d’Etat de lundi au Soudan. Selon le quotidien Israel Hayom, un responsable israélien aurait critiqué la position de l’envoyé spécial américain pour la Corne de l’Afrique Jeffrey Feltman, qui jugeait «inacceptable» le coup d’Etat et menaçait de remettre en cause l’aide financière américaine à Khartoum.

Ce responsable aurait affirmé que les Etats-Unis feraient mieux de soutenir l’armée et son chef, Abdel Fattah al-Burhane, plutôt que le premier ministre, Abdallah Hamdok. «Car entre les deux dirigeants, c’est Burhane qui est plus enclin à renforcer les relations avec les Etats-Unis et Israël», estime ce responsable, cité anonymement par le journal.

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2021-10-27T07:00:00.0000000Z

2021-10-27T07:00:00.0000000Z

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