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Attaque du Capitole: le vertige des accusations de complicité

VDG

Des contacts entre les organisateurs de rassemblements pro-Trump et des élus du Congrès sont mis au jour

Des verrous seraient-ils en train de sauter? Au fur et à mesure que la commission spéciale de la Chambre des représentants avance dans son enquête sur l’attaque meurtrière du Capitole du 6 janvier 2021, des détails sur des complicités entre assaillants et élus du Congrès ou collaborateurs de la Maison-Blanche émergent. Dans une longue enquête publiée ce week-end, le magazine Rolling Stone fait part des témoignages, anonymes, de deux insurgés pro-Trump qui ont décidé de collaborer avec la commission. Ils énumèrent les «dizaines» de séances préparatoires et échanges avec des élus républicains, tout en affirmant, au final, avoir été dépassés par les actes de violence.

Le refus de Steve Bannon

Pour rappel, Donald Trump est sorti blanchi, en février, d’un deuxième procès en destitution pour «incitation à l’insurrection». Mais une commission composée de sept démocrates et deux républicains est déterminée à en savoir plus sur l’assaut, qui avait pour but d’empêcher la certification de la victoire de Joe Biden par le Congrès. Que savait vraiment Trump des intentions de ses partisans? A quel point les a-t-il encouragés et galvanisés? Et quid de son entourage? Les enquêteurs se concentrent notamment sur la figure de Steve Bannon, ex-conseiller de Trump, devenu paria puis retombé dans les bons papiers du républicain. La veille de l’attaque, il a eu des propos laissant entendre qu’il savait qu’un gros coup se préparait. Assigné à comparaître, Steve Bannon refuse de coopérer avec la commission, ce qui pourrait lui valoir des poursuites judiciaires.

Marjorie Taylor Greene citée

Mais d’autres parlent. Et satisfont le besoin d’éclaircissements des élus-enquêteurs. Parmi eux, deux organisateurs de rassemblements «Stop the Steal». Les deux sources de Rolling Stone confirment que plusieurs membres du Congrès étaient impliqués dans la planification des événements du 6 janvier. Elles ont elles-mêmes été en contact direct avec Mark Meadows, alors chef de cabinet de la Maison-Blanche, qui aurait été sensibilisé aux risques de violences. Meadows fait partie des quatre membres de l’entourage de Trump que la commission a demandé à auditionner.

De quoi reconstituer avec plus de précisions les contours de l’attaque, réfléchie, organisée pendant plusieurs semaines, et consolidée via les réseaux sociaux? «Je me souviens spécifiquement de Marjorie Taylor Greene. Je me souviens d’avoir parlé à probablement près d’une douzaine d’autres membres du Congrès à un moment ou à un autre, ou à leur personnel», témoigne une des sources. Marjorie Taylor Greene est une élue républicaine proche du mouvement complotiste QAnon, régulièrement au coeur de polémiques. Une Trumpiste pur sucre, prête à tout pour contester la défaite de son mentor. Son responsable de communication a cependant assuré au magazine qu’elle n’était impliquée que dans la discussion au sein du Parti républicain sur l’objection à la certification de la victoire de Biden au Congrès.

D’autres noms sont cités, dont ceux des élus républicains Paul Gosar (Arizona), Lauren Boebert (Colorado), Mo Brooks (Alabama), Madison Cawthorn (Caroline du Nord), Andy Biggs (Arizona) et Louie Gohmert (Texas). Tous auraient soit euxmêmes participé à des discussions, soit délégué des assistants. Quelques jours après les émeutes, deux élus démocrates avaient indiqué qu’ils avaient vu Boebert faire des «visites guidées» au Capitole. Et Paul Gosar aurait laissé entendre que les manifestants pourraient bénéficier d’une «grâce présidentielle» sous forme de «pardon collectif». Une forme d’incitation à des actions sans limites, jusqu’à l’assaut final du Capitole qui s’est terminé dans le sang?

L’implication d’Ali Alexander

Les deux sources sont prêtes à témoigner publiquement. Mais elles insistent sur un point: le 6 janvier, le rassemblement pro-Trump devait initialement se cantonner aux abords de la Maison-Blanche, là où Trump a pris la parole. «Le Capitole n’a jamais été en jeu», insiste un des témoins. Sauf que voilà: Trump a lui-même, lors de son discours, appelé ses partisans à «marcher» sur le Capitole. Certains se sont empressés de le faire alors même qu’il était encore en train de parler.

Dans cette affaire, un nom revient souvent: celui d’Ali Abdul Akbar alias Ali Alexander, l’homme derrière le mouvement «Stop the Steal». Les sources de Rolling Stone confirment l’avoir vu avec des représentants de groupes paramilitaires d’extrême droite, comme les Oath Keepers, lors d’autres manifestations pro-Trump. Ali Alexander a lui-même, lors d’un live sur Periscope, évoqué l’aide d’élus républicains pour exprimer sa colère le 6 janvier. Une vidéo qu’il a depuis effacée, comme de nombreuses autres informations diffusées sur les réseaux sociaux. La commission spéciale s’intéresse à lui. Elle l’a assigné à comparaître, lui demandant également de produire des documents. Il est censé témoigner le 29 octobre.

Qu’il y ait eu des «complicités», y compris avec la police du Capitole, semble acté. Mais à quel point les élus républicains cités envisageaient-ils vraiment de tels débordements, jusqu’aux terrifiantes images des émeutes au Capitole? «L’enquête de Rolling Stone a été rapidement saluée par la gauche comme une confirmation de l’idée que les républicains de la Chambre des représentants étaient en grande partie responsables des événements de la journée. En réalité, nous n’en savons guère plus aujourd’hui: ces représentants ont souvent appuyé de façon vertigineuse les fausses allégations de fraude de Trump et devaient participer à des événements encourageant ceux qui rejetaient la réalité de l’élection – mais il n’y a aucune nouvelle indication qu’ils étaient impliqués dans un complot visant spécifiquement à envahir le bâtiment du Capitole», écrit Philip Bump dans le Washington Post.

Sur CBS, le président de la commission spéciale, le démocrate Bennie Thompson, a déclaré dimanche vouloir prouver que l’attaque était préméditée. «Le secret le plus mal gardé en Amérique est que Donald Trump a invité des individus à venir à Washington le 6 janvier», a-t-il ajouté. Secret? Les appels à manifester ont été plutôt clairs. Mais la commission risque de buter sur des écueils pour aller plus loin. Et le premier est Donald Trump lui-même: l’ex-président républicain s’est déjà pourvu en justice pour empêcher la divulgation de documents exigés par les élus de la commission, en invoquant le «privilège de l’exécutif». S’il a peu de chance de parvenir à ses fins, il met une nouvelle fois en avant ses capacités d’obstruction. Elles pourraient sensiblement ralentir l’enquête de la commission.

Les appels à manifester ont été plutôt clairs. Mais la commission risque de buter sur des écueils pour aller plus loin

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2021-10-27T07:00:00.0000000Z

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