L’économie circulaire contre la pénurie

Si la Suisse est un bon élève dans la gestion des déchets, elle peut mieux faire en matière d’économie circulaire

La Suisse est aujourd’hui frappée de plein fouet par la pénurie de matières premières, alors que les carnets de commandes sont pleins. Tout manque: bois, aluminium, papier. Ce qui a pour conséquence une augmentation des prix et des retards dans la livraison des produits. Cette crise montre que notre pays reste extrêmement dépendant de certains Etats. Et ce scénario risque de se reproduire, car les richesses naturelles de notre planète s’épuisent. Une des pistes pour y remédier est d’encourager l’économie circulaire.

De nombreux milieux, qu’ils soient économiques, politiques ou de la société civile, sont de plus en plus convaincus par l’économie circulaire. Même l’industrie du luxe s’y met. A l’image de cette start-up genevoise qui fabrique des montres de luxe à partir de rognures d’acier récupérées dans une déchetterie. Aujourd’hui, le consommateur est plus sensible que par le passé à la surexploitation des ressources. Les entreprises l’ont bien compris et misent avec raison sur la durabilité.

Le modèle circulaire ne prône ni la décroissance ni l’austérité. Il vise l’optimisation de la durée de vie des produits, afin d’éviter autant que possible le gaspillage et les déchets. Il propose des stratégies et des solutions positives pour l’économie de demain. Une sorte de «retour à la raison», qui concilie croissance et développement durable. Si la Suisse est un bon élève dans la gestion des déchets, elle peut mieux faire en matière d’économie circulaire. Nous demeurons à la traîne par rapport à certains Etats de l’Union européenne tels que la France, le Danemark ou encore les Pays-Bas. Cependant, ce retard peut être comblé car notre pays dispose d’importants atouts.

La décentralisation de nos systèmes politiques et de notre économie favorise par exemple la circularité de nos produits. Notre capacité à innover, qui a encore été démontrée durant cette pandémie, est un avantage certain. Par ailleurs, les mentalités évoluent et les initiatives privées se multiplient. Des plans d’action à l’échelon communal et cantonal sont élaborés. L’économie circulaire est non seulement possible mais devient également tendance et les marchés se préparent à accueillir ses produits. La Berne fédérale sort aussi de sa réserve. Au parlement, j’ai créé, avec ma collègue conseillère aux Etats Adèle Thorens, un groupe parlementaire consacré à l’économie circulaire, composé d’élus issus de tous les partis politiques. Nous collaborons étroitement avec la Fondation Sanu Durabilitas, une organisation pionnière et active depuis des années dans ce domaine.

Notre objectif est de promouvoir le dialogue entre la politique, l’économie, la recherche et la société civile. Nous voulons développer des conditions-cadres favorables à la mise en oeuvre d’une économie respectueuse de l’environnement qui consolide la sécurité de l’approvisionnement et accroît les performances de nos entreprises. Un projet dans ce sens est actuellement à l’étude aux Chambres fédérales. Des blocages doivent être levés et des systèmes incitatifs mis en place. Lors de la révision de la loi CO2, les Suisses ont dit clairement qu’ils ne voulaient pas de nouvelles taxes ni de nouvelles interdictions. Il faut donc inciter et encourager, plutôt que punir. L’innovation, qui permet d’être à la pointe du progrès, joue un rôle clé dans l’économie circulaire. Elle doit être davantage soutenue.

Les Suisses ont dit clairement qu’ils ne voulaient pas de nouvelles taxes ni de nouvelles interdictions

Pour ceux qui en doutent encore: l’économie circulaire est bien plus qu’un thème environnemental. Elle s’articule autour des enjeux de recherche, de nouveaux modes de consommation, de développement économique, de sécurité de l’approvisionnement, de marché de l’emploi, de formation professionnelle et de digitalisation. Il est temps de donner les impulsions nécessaires pour relever ces défis. Montrons-nous créatifs. La pénurie que nous vivons pénalise fortement nos entreprises, y compris nos PME. Une des pistes prometteuses pour s’en sortir est de s’engager résolument dans l’économie circulaire. ■