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Surtout ne pas désespérer de la prochaine COP26!

A quelques jours de l’ouverture de la COP26 à Glasgow, un nouveau rapport de l’ONU pointe le décalage entre les réductions d’émissions de gaz à effet de serre promises par les Etats et celles qui seraient nécessaires pour contenir le réchauffement

PASCALINE MINET @pascalineminet

Les nuages s’amoncellent sur la COP26, le grand raout climatique qui doit s’ouvrir le 31 octobre à Glasgow (Ecosse). Ce lundi, le premier ministre britannique Boris Johnson, hôte du sommet, s’est d’ailleurs déclaré «très inquiet» quant à l’issue de ces deux semaines de négociations cruciales, au cours desquelles les représentants de près de 200 Etats discuteront des moyens à mettre en oeuvre pour contenir le réchauffement climatique.

De fait, ce rendez-vous – largement considéré comme le plus important pour le climat depuis l’adoption de l’Accord de Paris en 2015 – ne se présente pas sous les meilleurs auspices. Censés présenter de nouveaux objectifs de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre en amont de la conférence, les Etats sont loin de l’avoir tous fait, et la somme des engagements actuels est largement insuffisante: ils mènent la Terre vers un réchauffement de

2,7°C d’ici à la fin du siècle, dont les conséquences seraient dévastatrices.

Autre mauvais signal: alors que la conférence débutera par un rassemblement de chefs d’Etat ou de gouvernement, destiné à insuffler une dynamique positive pour la suite des négociations, plusieurs dirigeants de premier plan ont déjà fait savoir qu’ils ne feront pas le déplacement. C’est le cas du président russe Vladimir Poutine, mais aussi très probablement du Chinois Xi Jinping, même si cela reste à confirmer. Certains observateurs y voient l’inquiétante indication que la Chine, premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, n’aurait pas l’intention de s’engager davantage dans la lutte contre le réchauffement.

Faut-il, pour autant, désespérer par avance de cette conférence tant attendue? Ce serait se montrer trop défaitiste. Certains des pays qui n’ont pas encore affiché de nouveaux objectifs, comme la Chine ou l’Inde, peuvent encore le faire dans les jours à venir. N’oublions pas aussi que le principe même de ces conférences climatiques est de «battre le rappel» auprès des Etats pour qu’ils se mobilisent malgré la pandémie de Covid-19 et la crise économique qui l’a suivie. Le suspense et les engagements de dernière minute font partie du jeu diplomatique.

Certains indices donnent en plus à penser que l’élan climatique a, en fait, bien résisté à ces chocs. L’Union européenne tout comme les Etats-Unis ont présenté au cours de ces derniers mois des plans ambitieux. Des Etats traditionnellement rétifs à l’action, comme la Russie ou l’Arabie saoudite, ont en outre annoncé leur volonté d’atteindre la neutralité climatique d’ici au milieu du siècle. Promesses de façade ou vrai changement de cap? L’espoir est encore permis pour la COP26. C’est la teneur des débats, à Glasgow, qui permettra d’en juger. Et de le matérialiser.

L’élan climatique a bien résisté à ces chocs qu’ont représentés la pandémie et la crise économique qui a suivi

tRéduire collectivement les émissions de gaz à effet de serre afin de maintenir le réchauffement global à 2°C, si possible 1,5°C, d'ici à la fin du siècle: voilà à quoi se sont engagés les Etats qui ont signé l'Accord de Paris sur le climat en 2015. Mais leurs plans pour y parvenir ne sont clairement pas suffisants, malgré les dernières annonces en la matière, d'après le nouvel opus de l'«Emissions Gap Report», publié chaque année depuis douze ans par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE).

Dès l'adoption de l'Accord de Paris, il était clair que les plans présentés par les Etats pour réduire leurs émissions ne permettraient pas d'atteindre l'objectif de contenir le réchauffement à 1,5°C. C'est pourquoi a été introduit un mécanisme incitant les signataires à revoir leurs engagements à la hausse tous les cinq ans.

Au 30 septembre, seuls quelque 120 pays, représentant un peu plus de la moitié des émissions globales, avaient fait leurs devoirs en formulant ces nouveaux objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 (appelés NDC ou «contribution déterminée au niveau national» dans le jargon onusien), d'après le décompte du PNUE.

Las, le compte n'y est pas. Les auteurs du rapport estiment que la somme de ces nouveaux plans mène la planète vers un réchauffement à 2,7°C d'ici à la fin du siècle – bien supérieur, donc, à la limite des 2°C au-delà de laquelle les scientifiques redoutent des conséquences catastrophiques du réchauffement (multiplication des événements extrêmes, fonte accélérée des calottes glaciaires, élévation du niveau des océans, disparition des coraux, etc.).

«Redoubler d’urgence les efforts»

Ces NDC actualisés ne correspondent en fait qu'à une réduction supplémentaire des émissions de 7,5% d'ici à 2030, par rapport aux engagements pris lors de l'Accord de Paris, selon les experts du PNUE. Alors que d'ici à cette date, il faudrait diminuer ces émissions de 30%, pour contenir le réchauffement à 2°C d'ici à la fin du siècle, et même de 55%, pour atteindre l'objectif plus ambitieux de 1,5°C…

«Les parties doivent redoubler d'urgence leurs efforts en matière de climat si elles veulent empêcher que l'augmentation de la température mondiale ne dépasse l'objectif de l'Accord de Paris», a commenté Patricia Espinosa, la secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), citée par l'AFP.

Lundi, son organisation avait publié sa propre analyse des promesses des Etats, avec des conclusions similaires à celle du PNUE. Le même jour, l'Organisation météorologique mondiale révélait que les concentrations dans l'atmosphère des trois principaux gaz à effet de serre avaient atteint des niveaux record l'an dernier, malgré le ralentissement de l'économie imposé par la pandémie de Covid-19.

A ce jour, plusieurs acteurs incontournables de la lutte contre le changement climatique, tels que l'Inde et la Chine, n'ont pas encore soumis de NDC actualisés. Mais dans la perspective de la COP26, les annonces se multiplient. Ainsi, l'Australie s'est fixé mardi un objectif de zéro émission nette pour 2050 – sans pour autant réviser à la hausse ses engagements pour 2030. Quelques jours avant, c'est l'Arabie saoudite qui disait viser la neutralité carbone d'ici à 2060, une annonce qui a laissé perplexe de nombreux experts, le premier exportateur de pétrole brut au monde souhaitant en même temps augmenter sa production.

Une soixantaine d'Etats (dont la Suisse) ont annoncé leur volonté d'atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050 ou 2060. Une promesse que le PNUE juge «ambiguë». Certes, la mise en application concrète de tels engagements pourrait faire une grosse différence, notent les auteurs du rapport, qui ont calculé qu'elle nous ferait éviter 0,5°C de réchauffement supplémentaire d'ici à la fin du siècle. Notre planète se dirigerait alors vers un réchauffement de 2,2°C, soit une valeur assez proche de l'objectif fixé dans l'Accord de Paris.

Problème, ces promesses sont souvent vagues et ne se reflètent pas dans les engagements pris à moyen terme. Dès lors, on peut s'interroger: seront-elles tenues ou ne s'agit-il que de poudre aux yeux? «Les Etats doivent rendre leurs engagements de neutralité carbone plus concrets, s'assurer qu'ils sont inclus dans les NDC et que l'action progresse», a rappelé Inger Andersen, la directrice exécutive du PNUE. La question d'un «tempo» commun, incitant tous les Etats à diminuer leurs émissions par étapes, sera au coeur des débats dès l'ouverture de la COP26 à Glasgow le 31 octobre.

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2021-10-27T07:00:00.0000000Z

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