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UBS suspendue aux juges français

La Cour d’appel de Paris doit prononcer ce lundi son jugement sur le procès d’UBS pour «blanchiment aggravé de fraude fiscale». En première instance, la banque avait écopé d’une amende record de 3,7 milliards d’euros. Mais les magistrats pourraient différ

RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Pas sûr que les dirigeants d’UBS attendus à Paris ce lundi, devant la Cour d’appel, dans le Palais de justice de l’île de la Cité, assistent à l’épilogue de la bataille judiciaire qui oppose la banque suisse à l’Etat français. Selon une information du quotidien financier Les Echos publiée vendredi, le tribunal présidé par François Reygrobellet pourrait en effet décider de reporter son jugement, dont la lecture doit normalement commencer à 13h30.

Jugement reporté

Les Echos ne donnent pas plus d’indications, mais d’autres sources évoquent un jugement reporté en fin d’année, soit quelques semaines supplémentaires. En février 2019, UBS avait écopé en première instance d’une amende record de 3,7 milliards d’euros pour «démarchage bancaire illicite» en France et «blanchiment aggravé de fraude fiscale». S’y ajoutaient 800 millions d’euros de dommages et intérêts à payer aux parties civiles. Total: 4,5 milliards d’euros que les deux avocats de la banque suisse, Mes Hervé Temime et Denis Chemla, ont pilonné durant le procès en mars dernier, plaidant la relaxe pour l’établissement financier dans ce dossier «où ne figure pas le début d’une preuve».

Les raisons d’un report du jugement en appel devront bien sûr être explicitées par le tribunal. Elles peuvent être liées au dossier et à la prolongation du délibéré, notamment en raison de la jurisprudence de la Cour de cassation, plus haute juridiction française, dont plusieurs décisions récentes sont susceptibles de modifier la base de calcul de l’amende infligée à UBS, si la culpabilité de la banque est reconnue. Un autre facteur évoqué par la Cour d’appel est évidemment la pandémie, avec les retards qu’elle a engendrés à tous les échelons judiciaires, et les difficultés logistiques entraînées par la tenue actuelle, dans le Palais de justice historique de l’île de la Cité, du procès des attentats du 13 novembre 2015. Contactés par Le Temps, les représentants d’UBS affirment «ne pas avoir été informés» d’une éventuelle décision différée. L’ensemble des dirigeants concernés d’UBS AG et d’UBS France seront donc présents ce lundi à Paris. UBS France, jugée pour «complicité», avait, en première instance, écopé d’une amende de 15 millions d’euros.

Le jugement en appel ne concernera toutefois pas que les deux établissements. Six ex-cadres des deux banques ont à nouveau comparu en mars devant la Cour d’appel. Cinq avaient été reconnus coupables en première instance, et condamnés à de lourdes amendes. Un seul, l’ancien numéro trois d’UBS, Raoul Weil, avait été relaxé, tout comme il l’avait été en novembre 2014 par la justice américaine à l’issue de son procès en Floride. Il a toutefois dû revenir en mars au Palais de justice de Paris, car le parquet avait interjeté appel le concernant. Les cadres d’UBS AG et d’UBS France sont accusés d’avoir contribué au démarchage illégal de clients en France entre 2004 et 2012 pour qu’ils placent des milliards d’euros à l’abri du fisc sur des comptes en Suisse. Parmi les pratiques qui leur sont reprochées par la justice française figure l’organisation de parties de chasse, de réceptions, de concerts et de tournois de golf pour des riches clients français. Tous, lors de leur second procès, ont nié avoir démarché ces clients fortunés, expliquant l’activisme événementiel des deux banques par des raisons de publicité et de marketing.

Des faits d’une «exceptionnelle gravité»

C’est sur l’accusation que portera le projecteur. Celle-ci, conduite en première instance par le Parquet national financier, avait alors obtenu gain de cause sur toute la ligne. Le Tribunal correctionnel avait qualifié les faits d’une «exceptionnelle gravité», et considéré que les soupçons d’évasion fiscale entre la France et la Suisse durant cette période 20042012 – d’autant qu’environ 3,7 milliards d’euros d’avoirs non déclarés ont été rapatriés par plusieurs milliers de contribuables français après 2013 – infirmaient la défense des deux banques. UBS, en revanche, a toujours jugé aberrante l’argumentation des procureurs, pointant l’absence de preuves matérielles de démarchage en France dans le dossier. Le parquet, lors du second procès en mars, a requis une amende d’«au moins 2 milliards d’euros». Une somme proche de la nouvelle évaluation des capitaux soustraits à l’administration fiscale française engendrée par les arrêts de la Cour de cassation, qui prend comme base de calcul le montant des impôts présumés éludés et non la totalité des fonds dissimulés. L’Etat français, partie civile, a demandé 1 milliard d’euros de dommages et intérêts.

Les cadres d’UBS AG et d’UBS France sont accusés d’avoir contribué au démarchage illégal de clients en France entre 2004 et 2012

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2021-09-27T07:00:00.0000000Z

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