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SUR LE WEB Repenser notre modèle alimentaire

Retrouvez en semaine l’actualité du monde de la finance sur Letemps.ch/ economie GUILLAUME BONNEL RESPONSABLE DES SOLUTIONS D’INVESTISSEMENT DURABLE ET À IMPACT, CREDIT SUISSE PASCAL BESNARD RESPONSABLE RÉGION GENÈVE, CREDIT SUISSE

Plus de 20% des émissions de gaz à effet de serre, et 90% de la consommation d’eau fraîche, sont issues de la chaîne de valeur alimentaire

«Que ton aliment soit ta seule médecine» disait Hippocrate. Deux millénaires plus tard, il semble au contraire que l’humanité soit malade de son alimentation.

Environ 10% de la population mondiale n’a pas accès à suffisamment de nourriture, mais la malnutrition touche l’ensemble du globe.

Nous ingérons beaucoup trop de viande, de graisses et de sucre par rapport à ce que recommandent les professionnels de la santé. La part de la population mondiale considérée comme obèse a ainsi triplé depuis 1975, pour atteindre 15%. Les conséquences de cette pandémie silencieuse sont désastreuses pour la santé et notre système est aussi néfaste pour la planète.

La cause de 20% des émissions de CO2

Plus de 20% des émissions de gaz à effet de serre, et 90% de la consommation d’eau fraîche, sont issues de la chaine de valeur alimentaire. La production de viande est particulièrement polluante. Si l’expansion des terres agricoles a permis de répondre aux besoins d’une croissance démographique exponentielle lors des deux derniers siècles, nous en atteignons désormais les limites. Sur des sols épuisés de leurs nutriments par les monocultures et les pesticides, la croissance des rendements agricoles s’essouffle. Selon la FAO (Food and Agriculture Organisation), sur les seules trente dernières années, nous avons détruit 420 millions d’hectares de forêt, soit l’équivalent d’une centaine de fois la taille de la Suisse. Pourtant la terre agricole disponible par habitant ne cesse de diminuer, faisant ressurgir la problématique malthusienne. Selon les Nations unies, nous serons 11 milliards à la fin du siècle. L’essentiel de la croissance démographique viendra d’Afrique et d’Asie, et s’accompagnera d’une importante croissance de la consommation de calories par individus. Le constat est évident, pour préserver notre santé, et celle de la planète, nous devons fondamentalement repenser notre modèle alimentaire, et le rendre plus efficient.

Les solutions

Une alimentation à base de plantes, meilleure pour la santé humaine, émet moins de CO2 et consomme moins d’eau. Elle peut réduire l’intensité carbone d’environ 90% par rapport au statu quo. Consommer local permet de réduire le transport, gourmand en énergies fossiles. Privilégions donc les circuits courts, les fruits et légumes de saison, et nos agriculteurs locaux. Pour un régime alimentaire sain et durable, les études montrent que nous devrions manger davantage de fruits, de légumes, de noix, et réduire le sucre et la viande.

Cependant, des entreprises nous proposent déjà des steaks faits à base de plante. D’autres se préparent à mettre sur le marché de la viande cultivée à partir de cellules souches, avec la même texture que celle de la viande animale, mais un impact environnemental bien inférieur. Il est aussi possible de créer des protéines par fermentation, à partir de micro-organismes et de nutriments.

Face aux enjeux démographiques, il ne suffit pas de changer de régime, nous devons également accroître la productivité de notre modèle alimentaire. L’agriculture verticale pourrait faire partie de la réponse. Cultiver les plantes en intérieur, sur plusieurs étages, en contrôlant tous les intrants, lumière, température et humidité, permet d’en maximiser les rendements. Ils sont 350 fois plus élevés avec l’agriculture verticale. La Fondation Ellen MacArthur estime que celle-ci pourrait fournir 80% de la nourriture consommée en milieu urbain en 2050.

L’agriculture de précision, quant à elle, utilise les nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle et les applications mobiles, pour aider les fermiers à maximiser leurs récoltes. Les données collectées par des capteurs intelligents, des drones ou des images satellites permettent de surveiller les exploitations et de renseigner en temps réel sur la qualité des sols, le bétail et la météo. Des logiciels permettent de construire des modèles prédictifs à partir de ces données, pour prendre de meilleures décisions quant à la plantation, l’irrigation, la fertilisation, ou encore l’utilisation de pesticides. Grâce à l’intégration de ces nouvelles technologies digitales, l’industrie agricole est à l’aube d’une transformation majeure de son infrastructure, qui pourrait considérablement améliorer sa productivité.

En mangeant et en produisant mieux, nous pouvons réinventer la chaîne alimentaire pour la rendre plus efficace, saine et durable, et faire fuir une nouvelle fois le spectre de Malthus.

■ Sources: The Global Food System: Identifying sustainable solutions. Credit Suisse. Research Institute.Van Kernebeek et al – 2015, Saving land to feed a growing population: consequences for consumption of crop and livestock products

Lundi Finance

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2021-09-27T07:00:00.0000000Z

2021-09-27T07:00:00.0000000Z

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