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A droite, le fantôme de Fillon a tué la primaire

La décision du parti Les Républicains de faire désigner son candidat à la présidentielle française par un vote des adhérents le 4 décembre démontre avant tout sa peur des divisions

RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Christian Jacob a appliqué à la lettre le titre de son livre. Le président des Républicains, le principal parti de la droite traditionnelle française, vient de publier un essai intitulé J’en ai tellement vu (Ed. Robert Laffont). Cet agriculteur, ancien syndicaliste agricole, lassé des querelles intestines et des fractures publiques, a donc tiré les conséquences de son expérience en faisant avorter, ce week-end, l’idée d’une primaire ouverte à droite. Laquelle aurait répété le scénario de novembre 2016, lorsque François Fillon s’imposa, contre toute attente, face à l’autre finaliste du scrutin ouvert à tous les sympathisants conservateurs: Alain Juppé, pourtant donné favori.

L’affaire des emplois fictifs et des costumes

On connaît la suite: des divisions exacerbées au sein du parti, puis l’affaire des emplois fictifs et des costumes de François Fillon, condamné en juin 2020 à 2 ans de prison ferme, et aujourd’hui dans l’attente de son procès en appel du 15 au 30 novembre. Résultat: 20,01% des voix pour le candidat des Républicains à l’issue du premier tour de la présidentielle de 2017. Et une troisième place ouvrant la voie au duel Le Pen-Macron.

Retour au RPR

Pas question, donc, de risquer de nouveau un tel scénario. La solution choisie à l’issue d’un vote en ligne par les adhérents, ce week-end, revient aux pratiques du Rassemblement pour la République (RPR), le parti qui précédait Les Républicains, et qu’avait créé Jacques Chirac: un congrès, et un vote des militants encartés et à jour de leur cotisation, soit environ 80000 personnes selon les chiffres disponibles. Avantage de cette formule choisie par 58% des votants: les sympathisants extérieurs au mouvement ne pourront pas venir troubler la sélection en prenant part au vote. Pas de médiatisation excessive non plus.

Quatre candidats sont pour l’heure en lice: le président de la région Hauts-deFrance Xavier Bertrand (qui refusait une primaire), l’ancien négociateur européen du Brexit Michel Barnier, la présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse, et le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti. Ce dernier, tenant d’une ligne dure, a déjà annoncé qu’il pourrait voter pour le polémiste Eric Zemmour si celui-ci décidait de se présenter. Une candidature Zemmour, d’ici au 4 décembre, pourrait d’ailleurs semer le trouble dans les rangs du parti Les Républicains. Même si les cadres du parti affirment qu’une clause empêchera sa participation surprise: les nouveaux statuts des LR permettent de refuser un candidat qui ne serait pas compatible avec les «valeurs de la droite et du centre».

Forces parallèles

Deux forces parallèles vont désormais être à l’oeuvre, d’ici à ce vote électronique dont le caractère tardif, en fin d’année, risque de handicaper le futur candidat. La première est l’influence jouée, dans les rangs de la formation qu’il a renommée en 2015, par l’ancien président Nicolas Sarkozy, que l’on dit aujourd’hui proche d’Emmanuel Macron.

Le second facteur à suivre de près sera l’enracinement des différents candidats dans les fédérations du parti. Xavier Bertrand, qui a longtemps été dans les instances dirigeantes de l’UMP, prédécesseur direct des Républicains, dispose de relais et a un avantage, malgré son départ de la formation en 2017. A l’inverse, Valérie Pécresse, qui elle aussi a claqué la porte des Républicains en juin 2019, devrait se trouver en difficulté. Son profil plus centriste, plus Macron-compatible, aurait mieux convenu à une primaire «ouverte». Reste celui qui n’a jamais quitté le parti: l’ancien ministre Michel Barnier, qui se revendique gaulliste social. Sa fidélité pourrait payer, même si son profil politique actuel est décalé par rapport à la droitisation de sa formation.

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2021-09-27T07:00:00.0000000Z

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