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A Neuchâtel, statu quo pour les communautés religieuses

Les Neuchâtelois ont rejeté dimanche la loi sur la reconnaissance d’intérêt public des communautés religieuses. Un nouveau débat sur les liens entre Etat et Eglises se profile

ALEXANDRE STEINER @Alexanstein

Les communautés religieuses neuchâteloises qui souhaitent être reconnues d’intérêt public devront encore patienter. Les citoyens du canton ont rejeté dimanche à 56,3% la loi en la matière (LRCR), adoptée en septembre 2020 par le Grand Conseil et combattue en référendum par le PLR et l’UDC. Le texte devait permettre d’élargir cette reconnaissance – qui n’est pour l’heure accordée qu’aux Eglises traditionnelles (réformée, catholique romaine et catholique chrétienne) – à toute communauté qui en ferait la demande, pour autant qu’elles répondent à des critères stricts.

PLR et UDC, qui ont mené leurs récoltes de signatures séparément, s’opposaient principalement à la manière dont seraient accordées ces reconnaissances. La LRCR prévoyait que de telles décisions reviennent au Grand Conseil, avec la possibilité pour 30 députés de déclencher un référendum, alors que les deux partis de droite exigeaient qu’elles soient systématiquement soumises au vote populaire. Le POP était également opposé au texte, défendant une stricte laïcité.

Des regrets pour les défenseurs de la loi

Les auteurs du référendum ont été largement suivis par la population au terme d’une campagne calme et dépassionnée. Toutes les communes du canton ont rejeté le texte, à l’exception de la ville de Neuchâtel, qui l’a accepté à 52,5%, et de La Chaux-du-Milieu, à égalité parfaite. Un choix qui peut surprendre au premier abord, sachant que cette loi visait à mettre en application une modification de la Constitution cantonale acceptée en 2000 par 76% des votants. Mais dans les faits, il était attendu par les défenseurs de la LRCR.

Le conseiller d’Etat socialiste neuchâtelois Laurent Kurth, chargé du dossier, adoptait une posture résignée: «L’enthousiasme ressenti lors des travaux préparatoires de cette loi s’est amenuisé durant les derniers débats au Grand Conseil, qui portaient essentiellement sur des aspects techniques liés au processus de décision. Dans ce genre de situation, la population se montre généralement prudente.»

Laurent Kurth exprime trois regrets: «Cela montre que nous ne parvenons pas à concrétiser le mandat qui nous a été confié lors de la réforme constitutionnelle validée en 2000. Deuxièmement, le canton rate une opportunité de se doter de repères par rapport à ce que l’on considère comme une communauté religieuse intégrée. Enfin, Neuchâtel avait l’occasion de confirmer sa position de canton ouvert à l’intégration, ce qui n’a pas été le cas.»

A la tête d’un comité citoyen favorable à la LRCR, qui comptait notamment des représentants de l’Eglise catholique romaine et des communautés évangéliques et israélites neuchâteloises, l’ancien conseiller national socialiste Jacques-André Maire se dit «déçu, mais pas surpris». Selon lui, «les émotions, les tripes et la peur de l’autre» l’ont emporté sur une loi qui aurait permis de renforcer le principe de laïcité inclusive, cher au canton de Neuchâtel.

Le PLR et l’UDC affichent, quant à eux, leur satisfaction, mais leur analyse de ce rejet diffère. «En prévoyant que le Grand Conseil décide de l’octroi de ces reconnaissances, cette loi privait le peuple d’un droit démocratique fondamental. Pour le PLR neuchâtelois, il ne s’agit pas d’un non à la reconnaissance d’intérêt public des communautés religieuses. Mais cela montre que le peuple veut pouvoir se prononcer sur ces questions importantes pour l’avenir de notre société», réagit le vice-président de la section cantonale, Jean-Daniel Jeanneret.

Niels Rosselet-Christ, président du groupe UDC au Grand Conseil neuchâtelois, va plus loin: «Le rejet de cette loi antidémocratique est un signal très fort. Cela montre que le peuple ne veut pas d’extension de la reconnaissance des communautés religieuses et que le statu quo doit être maintenu. La paix religieuse fonctionne dans le canton de Neuchâtel, cette loi était inutile.»

La laïcité «à la neuchâteloise» remise en question

Reste désormais à voir ce qu’il adviendra de cette loi. Laurent Kurth évoque deux scénarios: «Soit le dossier sera enterré pour quelques années, soit il sera repris à plus court terme par le Grand Conseil, qui pourrait changer le mode de décision de ces reconnaissances. A priori, l’initiative ne viendra pas du Conseil d’Etat.»

Ce refus pourrait également déboucher sur l’ouverture d’un débat plus large sur la laïcité à la neuchâteloise. «Ce n’est pas l’intention du PLR», affirme Jean-Daniel Jeanneret, tandis que l’UDC Niels Rosselet-Christ estime que cette remise en question «est évoquée dans des partis de tous bords». Pour lui, le débat devra avoir lieu.

Un avis partagé à gauche par le président du POP neuchâtelois Julien Gressot: «Notre parti ne sera pas le moteur de la discussion, mais lorsqu’elle aura lieu, nous prônerons une laïcité à la genevoise. Nous sommes contre la reconnaissance d’intérêt publics de communautés religieuses en tant que telles, même si nous sommes ouverts à la reconnaissance de certaines de leurs tâches, comme les services d’aumônerie, par exemple.»

Votations

fr-ch

2021-09-27T07:00:00.0000000Z

2021-09-27T07:00:00.0000000Z

https://letemps.pressreader.com/article/281608128584490

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