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A quoi ressembleront les familles suisses de demain?

CÉLINE ZÜND @celinezund

L’ouverture du mariage aux couples de même sexe et l’accès à la PMA pour les femmes homosexuelles s’inscrit dans une tendance vers une plus grande pluralité des modèles familiaux. Même si le couple hétérosexuel marié reste la norme: 75% des enfants naissent dans cette configuration

En Suisse, le mariage reste le ciment du couple. C'est l'Office fédéral de la statistique qui le dit, dans son rapport 2021 sur les familles. Malgré une baisse constante des mariages - en 1961 on dénombrait 7,8 mariage pour 1000 habitants et en 2019, plus que 4,5 -quelque 80% des personnes vivant en couple sont mariées.

«Pendant longtemps, au sein même de la communauté LGBTIQ, l’homosexualité et la transidentité étaient vues comme incompatibles avec le fait de devenir parent. Ce n’est plus le cas» SYLVAN BERRUT, COLLABORATEUR DU PÔLE TRANS AU CHECKPOINT VAUD DE LA FONDATION PROFA

Le modèle de la famille nucléaire a de beaux jours devant lui: environ 75% des enfants de moins de 25 ans vivent avec leurs deux parents mariés. Ce standard façonne aussi les politiques familiales. «Il y a une injonction au mariage pour fonder une famille qu'on ne retrouve pas en France, par exemple, ou beaucoup plus d'enfants naissent hors mariage. On peut l'expliquer par des raisons pratiques: par rapport à l'union libre, en Suisse le mariage apporte une protection et des avantages juridiques, par exemple en cas de décès d'un partenaire», relève Marta Roca Escoda, sociologue à l'Université de Lausanne. Une tendance indissociable de la répartition des rôles au sein des foyers: les femmes sont plus nombreuses à effectuer des tâches domestiques et éducatives: aujourd'hui, 82% des mères d'enfants en bas âge travaillent à temps partiel, contre 13% des pères. Dans ce contexte, le mariage reste synonyme de sécurité financière, en cas de séparation, pour une grande partie de celles qui renoncent à une part d'activité rémunérée.

Les changements de normes sociales, la hausse des divorces, l'évolution de la condition des femmes, mais aussi les progrès de la science biomédicale et des technologies de reproduction, favorisent l'émergence d'autres constellations. Sur le plan statistique, on constate une augmentation des familles monoparentales, des familles recomposées et des couples en union libre: ces trois configurations représentent actuellement un quart des ménages avec enfants et devraient encore croître à l'avenir.

Mais les changements les plus marquants concernent sans doute les familles homoparentales. Il y aurait actuellement en Suisse 25 000 couples de même sexe habitant sous le même toit, selon les données du relevé structurel de l'OFS. Et parmi eux, environ un millier avec au moins un enfant de moins de 25 ans (soit environ 1400 enfants), ce qui représente environ 0,1% des ménages familiaux avec enfants de moins de 25 ans.

Une réalité très minoritaire, mais aussi en pleine évolution: entre 2011-2013 et 2017-2019, le nombre de ménages de couples de même sexe a augmenté d'environ 60%, tandis que celui des ménages homoparentaux a doublé.

C'est lié à l'évolution des droits des lesbiennes, gays, bi, trans, intersexes et queer, mais aussi des représentations, poursuit Sylvan Berrut, collaborateur du pôle trans au Checkpoint Vaud de la fondation PROFA: «Pendant longtemps, au sein même de la communauté LGBTIQ, l'homosexualité et la transidentité étaient vues comme incompatibles avec le fait de devenir parent. Ce n'est plus le cas aujourd'hui et des enquêtes montrent que le désir de parentalité est tout aussi présent parmi les personnes trans et homosexuelles que dans le reste de la population».

Superpositions

Dès les années 1960, les premières associations homoparentales ont été créés par des personnes devenues parents dans une relation hétérosexuelle, avant de réaliser un coming-out. «Lors des divorces, ces mères et ces pères se sont souvent vus privées de droits parentaux en raison de leur homosexualité», souligne Catherine Fussinger, historienne et coprésidente de l'association faîtière Familles arc-en-ciel.

Dans les années 1990, de plus en plus de couples de même sexe décident de fonder une famille en assumant d'emblée leur orientation sexuelle. Avant que la PMA transfrontalière devienne une option, la co-parentalité – un modèle qui implique 2, 3 ou 4 adultes qui décident d'élever un enfant ensemble entre deux foyers, sans être dans une relation amoureuse - constituait une option importante dans laquelle l'enfant conserve un un père et une mère, à fois sur le plan biologique et juridique.

«Ces modèles continuent d'exister aujourd'hui, mais on voit une tendance toujours plus grande à superposer le projet parental et amoureux, avec notamment de plus en plus de couples de femmes qui décident de créer une famille en se rendant dans une clinique de fertilité. Pour les couples d'hommes, en fonction de la situation juridique du pays, un arbitrage se fait entre l'adoption, la GPA et la coparentalite», relève Catherine Fussinger.

Votations Fédérales

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2021-09-27T07:00:00.0000000Z

2021-09-27T07:00:00.0000000Z

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