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Après l’«Initiative 99%», voici celle des 100 millions

BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

Pour la Jeunesse socialiste, le rejet à 66% de l’«Initiative 99%» n’est pas un échec. Jamais à court d’idées, elle va lancer un nouveau projet qui visera à faire passer à la caisse les fortunes supérieures à 100 millions de francs en faveur du climat. A droite, on attend ce texte de pied ferme

En dix ans, l'infatigable Jeunesse socialiste aura lancé et présenté aux urnes trois initiatives populaires: «1:12 – pour des salaires équitables», «Pas de spéculation sur les denrées alimentaires» et «99% – alléger les impôts sur les salaires, imposer équitablement le capital». Toutes ont connu le même sort négatif: la première a été rejetée par 65,3% et tous les cantons en 2012, la deuxième par 59,9% et 24 cantons en 2016 et la troisième ce dimanche par 64,9% des votants et tous les cantons. Un oui s'est cependant dégagé dans plusieurs grandes villes: Lausanne, Bienne, Berne, Bâle, Zurich, La Chaux-de-Fonds, Fribourg et dans des communes plus petites, notamment jurassiennes, parmi lesquelles, s'amuse Christian Lüscher (PLR/ GE) – très opposé à l'«Initiative 99%» –, Les Enfers.

Pour le vice-président de la JS, Thomas Bruchez, ce résultat n'est pas vraiment un échec. «Comme l'«Initiative 1:12», l'«Initiative 99%» aura un impact durable sur le paysage politique suisse. C'est certes une défaite, mais notre projet a suscité une prise de conscience sur les inégalités. On s'en rendra compte lorsque l'on reparlera de fiscalité et de répartition des richesses. Nous pouvons être fiers du travail accompli», analyse-t-il.

«Personne n’a besoin de plus de 100 millions»

Inépuisable, la JS prépare déjà sa prochaine initiative. Thomas Bruchez en dévoile les contours: «Elle aura pour but de faire payer les plus riches pour la crise climatique, qui est le plus gros enjeu de notre temps. Nous voulons faire passer à la caisse les gens qui bénéficient du système économique à l'origine du réchauffement du climat. Pour cela, nous proposons de limiter les grandes fortunes à 100 millions de francs et ce qui dépasse sera affecté à la lutte contre la crise climatique. Personne n'a besoin de plus de 100 millions», détaille-t-il.

Ce texte sera-t-il plus précis que celui de 99%? Le flou de certaines notions est l'une des raisons du rejet de dimanche: le texte proposé par la JS parlait de «revenu du capital» et de redistribution en faveur de la «prospérité sociale». Elle précisait juste que la part du revenu du capital dépassant un certain seuil, que les initiants proposaient de fixer à 100000 francs, serait taxée à 150%, soit 50% de plus que le revenu du travail.

«La JS tend l’autre joue»

Ces imprécisions ont permis aux opposants de s'engouffrer dans la brèche, arguant que l'initiative ne toucherait pas que les contribuables fortunés, mais aurait aussi des conséquences néfastes pour les PME, les exploitations agricoles, les successions. Le futur texte sera-t-il plus précis? «Quand on fait une initiative, on a toujours tort. Si on est précis, on nous reproche d'être trop rigides. Si on l'est moins parce qu'on veut laisser le parlement faire son travail, on nous le reproche aussi», répond Thomas Bruchez.

Christian Lüscher (PLR/GE) attend cette nouvelle initiative de pied ferme: «La JS s'est pris une claque monumentale et, dans un réflexe très chrétien, elle est prête à tendre l'autre joue. Pour exister, elle doit présenter des objets farfelus. A chaque fois, elle perd un peu plus de sa crédibilité», accuset-il. «Le peuple n'a pas été dupe. Il a bien vu que, avec l'«Initiative 99%», tout le monde y passait, les entreprises, les start-up, la classe moyenne», enchaîne-t-il. Thomas Bruchez conteste: «La droite n'a pas hésité à propager des menaces imaginaires et des peurs en dépensant des millions dans la campagne.»

Droit de timbre

La prochaine échéance fiscale sera la votation sur l'abolition partielle du droit de timbre. Le PS a lancé le référendum contre la décision du parlement de supprimer le droit d'émission sur le capital propre, qui provoquerait un manque à gagner fiscal de 200 à 250 millions, payés par les grandes entreprises et les sociétés financières. Ce projet a été approuvé par les Chambres fédérales, qui y ont vu un moyen de relancer la machine économique après la crise du coronavirus. Celle-ci poussera de nombreuses entreprises à augmenter leur capital propre afin d'absorber leurs pertes.

Pour Fabio Regazzi (Le Centre/ TI), président de l'Union suisse des arts et métiers (USAM), le rejet de l'«Initiative 99%» est un «signe positif» en vue de ce scrutin. Thomas Bruchez tente de refroidir son optimisme: «L'«Initiative 99%» voulait instaurer davantage de redistribution entre les plus riches et les personnes qui ont les revenus les plus bas. L'abolition du droit de timbre pose une question différente: veut-on le statu quo ou moins de redistribution entre riches et pauvres?» Le vote sur la suppression partielle du droit de timbre aura vraisemblablement lieu en février, prévoit le chef du Département fédéral des finances (DFF), Ueli Maurer.

Votations Fédérales

fr-ch

2021-09-27T07:00:00.0000000Z

2021-09-27T07:00:00.0000000Z

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