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Le mariage, vraiment pour tous

Le peuple a tranché, les couples de même sexe pourront bientôt se marier en Suisse. Un «pas historique» salué par les milieux LGBT

BORIS BUSSLINGER, BERNE @BorisBusslinger PROPOS RECUEILLIS PAR C. Z.

64,1%

UNION Les Suisses ont plébiscité l’initiative vert’libérale prônant un élargissement du droit au mariage à tous les couples. Tous les cantons l’ont approuvée

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IMPÔTS Taxer davantage les revenus du capital? L’idée des Jeunes socialistes n’a séduit aucun canton et qu’un tiers des votants

Et ils se sont dit oui. A 64,1% des votants, la Suisse a décidé ce dimanche d’ouvrir l’institution du mariage aux couples de même sexe. Tous les cantons ont soutenu le changement de loi, sans Röstigraben ni fossé ville-campagne.

«Enfin!» s’écrie une militante aux joues arc-en-ciel depuis le stamm des partisans du nouveau projet de loi. Réunis sous une pluie de ballons multicolores à la Grosse Schanze à Berne, les vainqueurs du jour ont sabré le champagne dès midi. Au bénéfice du certificat covid, obligatoire pour pénétrer dans la salle, la foule démasquée affiche un large sourire. Certains festoieront jusqu’au bout de la nuit.

Combat

«La Suisse rattrape son retard, estime Olga Baranova, directrice de campagne des partisans du mariage pour tous. On l’a vu dans les autres pays, cette décision permettra de faire baisser les discriminations envers les couples de même sexe, ce qui est une excellente nouvelle.» La Genevoise parle cependant d’une «victoire d’étape» sur un chemin encore sinueux: «le combat contre l’homophobie continue.»

A ce sujet le conseiller national Damien Cottier (PLR/NE) s’est fendu ce dimanche d’un communiqué très personnel: «J’ai grandi avec un sentiment d’anormalité, pensant que je n’avais pas ma place dans la société, raconte le politicien neuchâtelois, lui-même homosexuel. Aujourd’hui notre pays dit à chaque LGBT: tu as une égalité de droit et de dignité. C’est un message essentiel qui va bien au-delà du mariage. Profonde reconnaissance au peuple suisse pour sa bienveillance.» La proposition de loi bénéficiait du soutien du Conseil fédéral et du parlement.

L’euphorie du jour n’était évidemment pas la même du côté du comité référendaire, dont l’atmosphère du quartier général contrastait de manière saisissante avec celle du QG de ses adversaires. Réunis au deuxième sous-sol de l’hôtel Kreuz, les opposants à l’union des couples de même sexe (UDF, UDC et quelques parlementaires PDC) ont vite compris la défaite inéluctable et, dès le début de l’aprèsmidi, leurs locaux affichaient quasiment déserts. Il faut dire que l’obligation de porter le masque (une partie des militants présents sur place n’étant pas vaccinée) n’invitait pas à s’y attarder.

«C’est une décision vraiment regrettable pour le bien-être des enfants, déplore la conseillère nationale UDC Verena Herzog (TG). Nous savons qu’ils ne bénéficient pas de conditions optimales au sein des couples de même sexe. Ce sont les premiers perdants. Nous nous battrons désormais pour que la Suisse ne se dirige pas vers l’acceptation des mères porteuses.» Derrière la politicienne, les affiches de bambins mugissants estampillées «Des bébés sur commande? NON» rejoindront bientôt la remise. Nulle trace du visage cadavérique annonçant «des enfants avec un mort», vraisemblablement jugé trop acide pour servir de toile de fond aux médias.

«A partir du 1er juillet 2022», date à laquelle la loi sera mise en oeuvre, a précisé Karin Keller-Sutter, les couples de même sexe auront accès à plusieurs droits que le partenariat enregistré leur avait jusqu’ici refusés: l’adoption conjointe, le don de sperme pour les couples lesbiens et, toujours concernant les unions entre femmes, une présomption légale de maternité pour la femme de la génitrice (uniquement si l’insémination a été faite en passant par une banque de sperme suisse, sinon non).

Dans le cas des couples de même sexe binationaux, le mariage pour tous permettra également la naturalisation facilitée. Enfin, le projet habilite les mariés à percevoir une rente de veuf ou de veuve. En approuvant ce changement législatif, la Suisse rejoint l’écrasante majorité des pays d’Europe occidentale: l’Autriche, la Belgique, le Danemark, le Royaume-Uni, la Finlande, la France, l’Allemagne, l’Islande, l’Irlande, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, l’Espagne et la Suède. Parmi nos voisins, seuls l’Italie et le Liechtenstein demeurent encore opposés au principe.

Reprise dans les médias internationaux, la décision a été saluée par les communautés LGBT+ du monde entier. Certaines discriminations persistent, souligne cependant le comité du oui, qui ne dépose pas les armes: «A l’avenir nous souhaitons encore que la parentalité soit reconnue d’office aux couples de femmes qui ont eu recours au don de sperme privé ou à l’étranger.» En conférence de presse, la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter a également relevé que le parlement devrait se pencher sur la question d’étendre – ou non – le congé paternité aux couples lesbiens. La société suisse évolue rapidement, les débats sociétaux ne font que commencer.

procréation et d'en écarter certaines personnes. Ainsi, jusque dans les années 1970, nous avons connu les stérilisations forcées. Au XIXe siècle, le mariage était réservé aux individus qui se situaient au-dessus d'un certain seuil de fortune. On voulait empêcher les pauvres d'y accéder de peur qu'ils ne représentent un poids pour la collectivité. Le droit s'écarte de sa fonction normative et de contrôle, pour davantage répondre aux besoins des personnes et à leurs problèmes pratiques. Il accorde plus de place aux définitions individuelles que les individus souhaitent donner à leurs liens familiaux.

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2021-09-27T07:00:00.0000000Z

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