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Pierrine Poget

Des écrivains partagent trois livres qu’ils ont envie de lire pendant la pause estivale. Cette semaine:

PROPOS RECUEILLIS PAR JULIEN BURRI

FRANCIS PONGE, «LA FABRIQUE DU PRÉ» (GALLIMARD)

Gallimard vient de rééditer La Fabrique du pré, parue en 1971 chez Skira, et qui réunit tout le travail préparatoire du poème Le Pré: les feuillets manuscrits ou dactylographiés corrigés, ainsi que 23 images – carte topographique, reproduction de tableaux, page de dictionnaire. C’est une lecture trop ancienne pour que je prétende m’en souvenir encore. Par ailleurs, pour moi, «relire» veut dire «lire» tout aussi bien. Donc relire La Fabrique

du pré sera la découvrir. L’écriture de Francis Ponge, je la qualifierais d’«écriture perpétuelle». Seule une lecture perpétuelle peut lui répondre. Je me réjouis de retrouver cet enchantement face à la capacité de Ponge à dire et redire, à dire toujours mieux, infatigablement, à déployer un objet, un mot, quitte à le perdre.

CATHERINE COLOMB, «TOUT CATHERINE COLOMB» (ZOÉ)

C’est avant tout au roman Les Esprits de la terre, que Catherine Colomb a publié en 1953, que je songe. Ce titre étant indisponible en librairie, je me tourne vers ce volume d’oeuvres complètes et m’en réjouis. La lecture se rapproche ainsi de l’étude. J’aime cette concentration. Je lis Catherine Colomb pour sa langue, pour tout ce qui se dit par le rythme, le retour, la poésie, et qui demeurerait à jamais caché si l’on ne s’en tenait qu’aux faits. Je reste stupéfaite devant la densité de cette parole tenue sur des centaines de pages; devant la perfection des images et leurs enchaînements, leur force de frappe… Ses romans sont à la fois poignants et grotesques, d’une finesse cruelle.

HENRI MICHAUX, «POTEAUX D’ANGLE» (GALLIMARD)

Pour contrebalancer les deux précédentes lectures, très denses, j’aurai recours au poète Michaux et aux aphorismes de Poteaux d’angle. La rage d’écrire est là, elle aussi, l’intensité, mais ce ne sont pas les mêmes étendues. Chez Michaux il y a des trous, des bonds, des chutes, des accidents. Il y a surtout ce remède contre soimême: une constante invitation à explorer sa faiblesse, son erreur, pour mieux se quitter. Née en 1982 à Genève, Pierrine Poget a reçu le Prix de poésie C. F. Ramuz pour le recueil Fondations (Empreintes, 2017). Elle publie le 2 septembre les proses Warda s’en va, Carnets du Caire (La Baconnière).

Livres

fr-ch

2021-07-31T07:00:00.0000000Z

2021-07-31T07:00:00.0000000Z

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